samedi 18 mai 2013

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Les 18 panaméennes du prince Henri de Croÿ-Solre


Son procès en appel se tient à Bruxelles depuis le 15 avril. L’an dernier, le prince Henri de Croÿ-Solre a été condamné, au pénal, à trois ans de prison avec sursis pour une fraude fiscale estimée à 75 millions d’euros. Il a par ailleurs fait l’objet de poursuites au civil par l’Etat belge, auquel il doit rembourser 4,4 millions d’euros (solidairement avec deux autres condamnés pour fraude fiscale).

De quoi s’agit-il? D’un des serpents de mer de la lutte antifraude en Belgique: le système dit des sociétés de liquidités (cash companies). Ce montage fiscal visait à diminuer la base imposable d’une société en la vidant fictivement de ses richesses. Les faits remontent à 1995. Le prince est accusé d’avoir organisé un vaste réseau frauduleux en exploitant ce mécanisme de manière quasi industrielle. Pour l’Etat belge, c’est clair: il en est la «tête pensante» et le «bénéficiaire économique». La défense du prince, elle, parle plutôt d’une technique d’ingénierie fiscale permettant d’emprunter légalement la voie la moins imposée.

Ce précepte semble en tout cas inscrit dans l’ADN du prince: les documents panaméens obtenus par Marianne révèlent que Henri de Croÿ-Solre apparaît comme administrateur de pas moins de 18 sociétés offshores créées entre 1978 et 1994, dont 13 sont toujours vivantes, selon le Registre des sociétés. Dans l’une d’elles, Aquacalda Inc., créée en 1987, il apparaît avec son épouse Maria et son frère aîné Emmanuel. Ce dernier l’accompagne d’ailleurs dans 17 des 18 offshores identifiées.
A quoi servent ces coquilles panaméennes? Vraisemblablement aux activités de gestion de fortune des deux frères, Henri ayant été formé au métier de family office par la banque MeesPierson à Hong-Kong, et «aux techniques anglo-saxonnes de défiscalisation» par la filiale londonienne de la… Générale de Banque.
D.L. et Q.N.


Mise à jour:
Dans son arrêt rendu le 21 octobre 2013, la Cour d’appel de Bruxelles a déclaré irrecevables les poursuites à l’égard du prince Henri de Croÿ-Solre et des autres prévenus car les droits de la défense auraient été violés en cours d’instruction (vice de procédure). La Cour d’appel ne s’est donc pas prononcée sur la matérialité des faits reprochés. Cet arrêt, véritable gifle pour l’Etat belge, a fait l’objet d’un recours devant la Cour de cassation, qui, le 30 avril 2014, a cassé le jugement de la Cour d’appel de Bruxelles et ordonné un nouveau procès. Le dossier de Croÿ sera rejugé au fond devant la Cour d’appel de Liège.

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Des feux de l’Ommegang aux charmes discrets du Panama


Descendant de Charles Quint, le prince Bernard de Merode côtoie le milieu du renseignement. Il apparaît comme prête-nom dans 13 offshores panaméennes, visiblement pour de grosses fortunes qu’il gère depuis le Luxembourg.

49 secondes, à peine le temps de poser une question. En vain: «Vous inventez… Vous avez peut-être trouvé mon nom, mais de toute façon je n’ai pas l’intention de parler de ce genre de choses.» Et René Bardiaux de nous raccrocher au nez. Un appel aussi bref qu’éclairant par le malaise qu’il suscite. Dans nos documents, le nom de ce Linkebeekois apparaît pourtant bien en août 1992 comme trésorier d’une offshore au nom saugrenu: The Finest S.A. («Le plus beau S.A.», en français).

Le président du CA n’est autre qu’un avocat d’Ixelles, Jean-Jacques van den Corput, peu loquace sur cette panaméenne: «Je suis prête-nom dans ce truc-là, c’est tout. J’interviens là-dedans pour faire plaisir à un ami qui n’est pas le bénéficiaire économique des comptes gérés par cette société. Il exerce des activités tout à fait légales de gestion de patrimoine pour des gens qui, pour autant que je sache, ne sont pas Belges.» René Bardiaux? «Je ne connais pas cette personne.»

Maître van den Corput ne nous en dira pas plus. Après plus de 20 ans à la tête de cette coquille, il affirme ignorer dans quelles banques se trouvent les comptes de cette société, et qui en est le bénéficiaire final...

Une information qu’Arias, Fabrega & Fabrega, le cabinet d’avocats panaméen qui gère l’offshore semble également ignorer. En janvier 2013, il a démissionné de sa fonction d’agent résident en vertu d’une loi de février 2011 votée sous la pression des Etats-Unis et du G20. Une loi qui l’oblige à connaître le bénéficiaire économique d’une offshore afin de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme…

Un «family office» à Luxembourg

Dans The Finest, on ne retrouve pas seulement René Bardiaux et notre avocat ixellois. Le 20 novembre 2006, c’est au tour du prince Bernard de Merode d’apparaître comme administrateur et trésorier de la société. Tous les deux ans, ce membre des hautes sphères aristocratiques belges interprète l’empereur Charles Quint, son ancêtre, lors de l’Ommegang sur la Grand-Place de Bruxelles.

Quand il ne prépare pas cette reconstitution historique de la venue, en 1549, de Charles Quint à Bruxelles, Bernard de Merode, 64 ans, s’affaire dans le secteur de la finance. L’homme cultive une discrétion quasi absolue. Son diplôme de droit financier sous le bras, il travaille dans le secteur bancaire belge, avant de bifurquer vers Londres, où une grande banque suisse l’emploie pendant dix ans. En 1995, il pose ses valises au Luxembourg, afin d’y lancer TNN Trust and Management S.A., un family office, c’est-à-dire une sorte de petite banque privée qui gère la fortune de richissimes familles «en vue de constituer, préserver et transmettre efficacement leur patrimoine aux générations suivantes», comme l’explique TNN sur son site.

Dans ses bureaux luxembourgeois, de Merode compte parmi ses collègues Philippe de Patoul, un vieux briscard de la finance. Né en 1947, ce Belge a travaillé en Irlande avant d’émigrer au Luxembourg dans les années 1990. Virtuellement en tout cas, les deux hommes sont bien présents au Panama. Le prince de Merode apparaît comme administrateur dans 13 offshores, dont 11 encore actives selon le registre panaméen. Pour les deux plus récentes, Taratosa Inc. et Kayado S.A., créées en 2007, de Merode annonce être domicilié dans sa résidence londonienne du quartier huppé de Chelsea. Dans 11 offshores sur 13, il siège avec de Patoul. Si la création de ces sociétés s’étale de 1983 à 2007, de Merode n’y apparaît pour la plupart qu’en novembre 2006.

Dans cette valse panaméenne, un troisième acteur apparaît de façon récurrente aux côtés du duo Merode-Patoul: le Britannique Michael Morrice. Il accompagne le tandem aristocratique dans six panaméennes. Tantôt domicilié à Londres, tantôt à Dublin, Morrice, 68 ans, a occupé près de 300 sièges d’administrateur dans des offshores anglaises et irlandaises. Un palmarès alléchant qui le consolera sûrement de n’apparaître «que» dans neuf panaméennes sur treize…

Détournement de fonds européens

En 1998, Morrice et de Patoul sont cités dans l’«affaire Echo», un scandale de corruption et de détournements de fonds humanitaires européens via de faux contrats de sous-traitance avec la Commission, le tout orchestré par le Français Claude Perry. Dans la presse de l’époque, de Patoul est présenté comme un «homme clé» servant de relais à Dublin pour les montages financiers offshore de Perry.

De son côté, de Merode est aussi actif, depuis 2001, dans une société méconnue: Risk Analysis. Implantée en Angleterre mais bénéficiant d’un bureau à Luxembourg en charge du Benelux, Risk Analysis s’active dans le renseignement financier. La société est sortie de l’ombre en 2004 quand le gouvernement anglais de Tony Blair l’a engagée afin d’identifier une taupe qui avait fait fuiter des documents sensibles à la presse. Son tarif? 6.000 euros par jour, selon le Sunday Times. Risk Analysis effectue également de la due diligence, c’est-à-dire des enquêtes poussées sur la solvabilité et la réputation d’individus ou d’entreprises. Son fondateur, Christopher Davy est un ancien des services britanniques de renseignement intérieur, le fameux MI5, de même que son directeur exécutif Martin Flint.

Bien que Risk Analysis et TNN partagent la même adresse luxembourgeoise, a priori rien ne lierait les activités de renseignement du prince à sa présence dans 13 panaméennes. Les sociétés offshore les plus anciennes cacheraient-elles des fortunes qui furent gérées par de Patoul en Irlande, puis reprises par TNN au Luxembourg après sa création? Quant aux offshores récentes, dont deux ont été dissoutes en mai 2012 et avril 2013, sont-elles liées au family office? Ont-elles servi pour des investissements ou de l’optimisation fiscale de clients belges?

Marianne a tenté, à de nombreuses reprises, de joindre Bernard de Merode ces deux dernières semaines. Des messages ont été laissés à son attention. Jamais il ne nous a rappelés. Quant à Philippe de Patoul, il a immédiatement raccroché lorsque nous avons prononcé les mots «sociétés offshore». Depuis, son téléphone ne répond plus…
D.L. et Q.N.

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L’héritage perdu de Geert van Istendael?


Auguste Vanistendael, pilier du mouvement syndical chrétien, apparaît comme trésorier d’une mystérieuse offshore toujours vivante: J.A.M.E. International Inc. Amnésique à la fin de sa vie, aurait-il oublié de transmettre ce patrimoine à ses enfants?

Par David Leloup et Quentin Noirfalisse

Marianne Belgique, 11 mai 2013 (PDF)


Aujourd’hui, il serait surtout reconnu par les plus jeunes générations comme un mémorable «père de». C’est qu’Auguste Vanistendael (1917-2003), Ministre d’Etat, figure historique du syndicalisme et poète à ses heures, compte parmi ses quatre enfants un écrivain et essayiste flamand bien connu, auteur du Labyrinthe belge, et qui a choisi pour nom de plume son patronyme dans une version scindée et «anoblie»: Geert van Istendael.

Décédé il y a tout juste dix ans, Vanistendael père a mené une carrière longue et foisonnante au sein des syndicats chrétiens à l’échelle belge, dès les années 1930, puis internationale. On lui reconnaît un rôle dans l’élaboration de notre sécurité sociale, notamment lorsqu’il prit les rênes de la Centrale nationale des employés (CNE) peu avant la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 1947, Vanistendael devient secrétaire-général adjoint de la Confédération internationale des syndicats chrétiens, avant d’en prendre la tête cinq ans plus tard. Très vite, il entame une vie aventureuse, aux quatre coins de la planète. En Amérique latine, le syndicaliste cherche à structurer les embryons de mouvements ouvriers catholiques qui fleurissent ça et là.

La vie de famille passe au second plan, entre un aller-retour vers Santiago de Chili ou Caracas, une contribution en tant qu’auditeur laïc au Concile Vatican II et une rencontre avec son ami le chancelier allemand Conrad Adenauer, dont il fut le conseiller. Vanistendael n’en gagne pas moins le respect de son fils Geert, qui rappelle que son père était parfois affectueusement appelé «Don Augusteo». «Il a répandu l’esprit syndical dans le monde entier, à une époque où l’on réfléchissait encore en termes de colonies, déclarait Geert en 2006 à un magazine européen. Il a voyagé avec un message peu habituel, donnant confiance aux gens alors que les Africains étaient considérés comme des demi-sauvages et les latino-américains comme des tire-laine moustachus, façon général Alcazar.»

Quelques années après la mort d’Auguste, Geert est parti en Amérique latine sur les traces de son père. Pour écrire un livre: Discussion avec mon dieu mort. «Il était opposé de façon virulente au communisme, mais aussi aux syndicats de la social-démocratie qui, là-bas, étaient vendus aux Etats-Unis et aux services secrets, nous raconte Geert van Istendael. Il cherchait une troisième voie, radicale mais démocratique, et apporta de l’argent et son expérience à ces petits syndicats chrétiens indépendants.»

Selon l’écrivain flamand, Auguste jouera un rôle actif dans l’élection du président chilien Eduardo Frei, le prédécesseur de Salvador Allende. Frei incarne bien cette troisième voie «radicale»: il s’opposera à la fois au socialiste Allende et au régime militaire de Pinochet, lequel l’empoisonnera en 1982. «Lors de la campagne électorale pour Frei en 1964, explique Geert van Istendael, une partie de l’argent venait des syndicats belges et hollandais, mais aussi des évêques allemands, car mon père avait établi d’excellentes relations avec l’Eglise de la République fédérale allemande.»

Outre Auguste Vanistendael, un autre Belge épaulait Frei dans sa campagne: le jésuite Roger Vekemans, décédé en 2007, et lui-même bon ami d’Auguste. Vekemans aurait pressé l’administration Kennedy pour qu’elle contribue financièrement à l’élection de Frei. La CIA aurait ainsi accordé, selon les sources, de 3 à 5 millions de dollars pour soutenir la campagne de Frei dans un contexte de Guerre froide visant à balayer la candidature «rouge» d’Allende.

Présent sur tous les fronts, Vanistendael sera l’un des premiers à s’engager dans l’aide au développement. Il achèvera son impressionnant parcours à la tête de l’association de bienfaisance Caritas Catholica, avant de prendre sa retraite en 1983. La même année, le très pieux roi Baudouin le nomme Ministre d’Etat.

Puis surgit un étrange «trou noir» dans cette vie si bien documentée. Le 2 octobre 1984, Auguste Vanistendael devient administrateur et trésorier d’une société panaméenne mystérieusement baptisée J.A.M.E. International Inc. A ses côtés au conseil d’administration, un certain Janusz Sleszynski, vice-président et secrétaire, et un notaire salvadorien, Alfonso Alvarez Geoffroy, président du CA, qui détient un «pouvoir général» sur l’offshore. Tous les trois déclarent habiter à Key Colony, confortable complexe d’appartements et d’espaces de loisir dans le village résidentiel de Key Biscayne, sur une île dorée au large de Miami…

Un domicile qui ne cadre guère avec le parcours d’Auguste Vanistendael, ni dans le style ni dans la géographie. Quant à l’offshore, son fils, qui a pourtant enquêté sur son père, compulsé des centaines d’archives et rencontré nombre de ses proches, affirme n’en avoir jamais entendu parler... «Mon père avait déjà 67 ans à l’époque, mais c’est vrai qu’il a voyagé jusqu’à un âge très avancé en Amérique latine. Cette société est intrigante, je vous le concède», commente Geert van Istendael, sans sembler très surpris.

Le notaire salvadorien? Inconnu de l’écrivain flamand. Et Marianne n’a pas pu le pister. Par contre, à l’évocation du nom de Janusz Sleszynski, Geert van Istendael est formel: oui, son père en a été l’ami proche. «Ils ont travaillé ensemble, Janusz était un citoyen américain descendant de la noblesse polonaise, me semble-t-il, mais qui avait son bureau à Genève.» Comme Vanistendael, Sleszynski a jonglé avec plusieurs vies. Né en 1917, à l’instar d’Auguste, il sera pilote dans l’armée de l’air polonaise durant l’invasion allemande, avant de s’échapper pour combattre aux côtés des Français. La guerre terminée, il se marie et file aux Etats-Unis pour y travailler dans l’import-export.

Dès les années 1950, Sleszynski va s’impliquer dans de nombreuses réunions fondatrices de la démocratie chrétienne internationale, partout à travers l’Europe et l’Amérique du Sud. C’est ainsi qu’il rencontre Vanistendael. En 1961, les deux hommes tentent même d’organiser une rencontre entre le président du parti chrétien-démocrate vénézuélien, Konrad Adenauer et John Kennedy. Mais ce projet avorte.

Sleszynski disparaîtra en 1985, sans avoir pu assister à la chute du communisme. C’était bel et bien lui qui, à la fin de sa vie, habitait à Key Biscayne, le domicile renseigné dans les documents de J.A.M.E. International. Les emails de Marianne adressés à sa veuve, qui réside toujours là-bas, n’ont pas reçu de réponse. Sa fille, installée à Bruxelles, affirme ignorer l’existence de cette panaméenne et trouve toute cette histoire «incroyable et intrigante». Ancienne fonctionnaire aux Nations Unies, la veuve de Sleszynski détient sans doute la clé du mystère de cette offshore, toujours vivante selon le Registre panaméen des sociétés... Mais à l’heure où nous bouclons, sa fille n’a pas réagi à notre demande d’éclaircir cette affaire avec sa mère.

On ne peut donc que spéculer. Cette panaméenne servait-elle à abriter un discret héritage? Si tel est le cas, Auguste Vanistendael a-t-il servi de prête-nom pour son ami Janusz? Ou est-ce l’inverse, vu qu’Auguste occupe le poste clé de trésorier au sein de l’offshore? Atteint d’importants troubles de la mémoire à la fin de sa vie – son fils évoque une raréfaction progressive de «ses éclairs de clarté» –, Auguste aurait-il oublié l’existence même de cette offshore, qui se serait ainsi «perdue» dans les limbes de sa succession?

On ne peut pas non plus exclure l’hypothèse que J.A.M.E. International ait été liée aux activités politiques des deux hommes en Amérique du Sud. Un blogueur littéraire livrant son sentiment sur Discussion avec mon dieu mort, le livre-hommage de Geert à son père, souligne qu’«il ne fait aucun doute qu’Auguste Vanistendael était un gestionnaire peu transparent et que sa comptabilité était chaotique.» Et Geert van Istendael de conclure: «La vérité se trouve sans doute quelque part en Amérique latine», évoquant, sibyllin, cette intrigante «zone grise qui existe dans l’histoire de l’action syndicale chrétienne en Amérique du Sud»
D.L. et Q.N.

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Les quatre offshores du baron de Libramont


Depuis 1996, un conseiller communal de Libramont, apparenté au MR, est prête-nom dans quatre panaméennes. Des fortunes belges se cachent-elles derrière cet ancien avocat?

C’est un gîte de charme dans la région de Libramont. Si vous le réservez un jour pour un weekend nature, vous serez accueilli par le baron Edouard de Fierlant Dormer, propriétaire des lieux. Depuis deux législatures, ce grand amateur de chasse en battue proche de la cinquantaine est conseiller communal à Libramont-Chevigny sur la liste Chevi, apparentée au MR. Ce juriste occupe aussi la fonction de secrétaire général du RTL Group au Grand-Duché.

Mais depuis mars 1996, le baron de Fierlant est également trésorier de quatre obscures panaméennes. Leurs noms invitent au voyage: Sevilla World Holding, Languedoc Holding, European South-West Ltd et Merchandise World Holding. A l’époque, il était, dit-il, «avocat généraliste» au Grand-Duché au sein du cabinet de Victor Elvinger et Catherine Dessoy, eux aussi administrateurs de ces offshores. Edouard de Fierlant reconnaît bien y avoir siégé, mais affirme avoir quitté le cabinet en 2001.

Suite à l’appel de Marianne, il a pris contact avec ses anciens collègues pour clarifier la situation. «Trois offshores auraient disparu, nous dit-il. Et la quatrième, Sevilla, n’a pas d’activités ni de clients. On a oublié de me “démissionner” après mon départ.» Le Registre panaméen des sociétés indique pourtant qu’elles sont toujours toutes actives.

Edouard de Fierlant aurait-il pu servir de prête-nom à des clients belges? «Si je le savais, je ne pourrais pas vous le dire: secret professionnel. Mais là, c’est encore plus simple: je n’en sais rien. Je ne travaillais pas dans le département qui s’occupait de la gestion de patrimoine.» Avait-il conscience qu’en devenant prête-nom pour des clients, il pouvait prendre le risque de se rendre complice de fraude fiscale? L’ex-avocat esquive la question, invoquant le droit panaméen pour analyser sa responsabilité d’administrateur. Avant de reconnaître qu’il ne sait pas ce que ce droit dit exactement.
D.L. et Q.N.

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Panamagate - Episode 2



Par David Leloup et Quentin Noirfalisse
Marianne Belgique, 11 mai 2013 (PDF)

Second volet de notre enquête exclusive sur ces Belges qui ont craqué pour les panaméennes. Et nouvelles révélations. Cette semaine, Marianne a retrouvé des sociétés offshore administrées par un pilier historique du mouvement syndical chrétien international. Par un homme clé de RTL Group, baron de son état, et conseiller communal MR à Libramont. Par un prince descendant de Charles Quint, gérant de grosses fortunes au Luxembourg et proche des services de renseignement britanniques. Et par un autre prince condamné l’an passé à trois ans de prison avec sursis pour fraude fiscale…

Marianne, qui a bénéficié ces derniers mois d’une importante fuite de données du Panama, continue de décrypter les secrets de ce paradis fiscal d’Amérique centrale de 3,5 millions d’habitants. Il n’y a bien sûr rien d’illégal à détenir une offshore, pour autant que d’éventuels revenus générés par celle-ci soient déclarés au fisc. Or l’opacité que vend le Panama incite précisément à la fraude…

Parce qu’ils n’ont pas jugé nécessaire de dépenser 300 euros par an pour rémunérer des prête-noms, ou que le scénario d’une fuite de données était impensable à leurs yeux, ou encore que des intermédiaires peu scrupuleux n’ont pas jugé bon de masquer les noms de leurs clients dans le Registre des sociétés panaméen, plus de 160 Belges – tous présumés innocents, soulignons-le – ont été identifiés par Marianne comme administrateurs d’offshores panaméennes. C’est tout simplement la plus grosse fuite de données offshore relative à la Belgique jamais révélée par la presse belge.
 

EPISODE 2

L’héritage perdu de Geert van Istendael?
Auguste Vanistendael, pilier du mouvement syndical chrétien, apparaît comme trésorier d’une mystérieuse offshore toujours vivante: J.A.M.E. International Inc. Amnésique à la fin de sa vie, aurait-il oublié de transmettre ce patrimoine à ses enfants?

Des feux de l’Ommegang aux charmes discrets du Panama
Descendant de Charles Quint, le prince Bernard de Merode côtoie le milieu du renseignement. Il apparaît comme prête-nom dans 13 offshores panaméennes, visiblement pour de grosses fortunes qu’il gère depuis le Luxembourg.

Les 18 panaméennes du prince Henri de Croÿ-Solre
Le prince Henri de Croÿ-Solre apparaît comme administrateur de pas moins de 18 sociétés offshores créées entre 1978 et 1994, dont 13 sont toujours vivantes, selon le Registre panaméen des sociétés. A ses côtés, son frère Emmanuel et son épouse Maria.

Les quatre offshores du baron de Libramont
Depuis 1996, un conseiller communal de Libramont, apparenté au MR, est prête-nom dans quatre panaméennes. Des fortunes belges se cachent-elles derrière cet ancien avocat?

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samedi 11 mai 2013

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Le brasseur et la petite reine


Deux frères de la région montoise. Le notaire du village aux multiples casseroles. Le cabinet d’avocats panaméen Icaza, Gonzalez-Ruiz & Aleman. Et une sombre histoire de succession?

Certains pourraient y reconnaître un verre de bière déformé, vu d’en haut, les vagues s’échouant sur le sable formant la mousse houblonnée qui s’accroche aux parois. A moins qu’il ne s’agisse d’un vélodrome pas très régulier, cerné par les flots... L’attol de Clipperton, possession française perdue dans l’océan Pacifique, a-t-il inspiré le nom de la panaméenne d’Edouard Gallée, 60 ans, brasseur hennuyer et aficionado de la petite reine?

Ceux qui fréquentent les cafés de la région montoise connaissent bien les camions de la brasserie Gallée qui fournissent fûts et casiers aux troquets du coin. Ils ne connaissent par contre pas Clippertone Inc., une discrète offshore utilisée à partir de 1981 par les frères Hector et Edouard Gallée, et que le Registre panaméen renseigne comme étant toujours en vie en 2013…

Hector fut président de la Ligue vélocipédique belge à la fin des années 1970 jusqu’à sa démission en février 1990. Quelques semaines plus tard, il décède lors d’une mystérieuse explosion qui anéantit sa maison. Une déflagration d’une ampleur telle que l’hypothèse criminelle n’est pas écartée, le Parquet de Mons désignant à l’époque un expert…

Pour créer leur offshore, les deux frères sont semble-t-il allés frapper à la porte de Jacques Haustrate, le notaire du coin. Agé aujourd’hui de 70 ans, il a été condamné en 2003 à six mois fermes pour calomnie à l’égard d’une ancienne candidate à la présidence du PSC. Dans les années 1980, il avait déjà été condamné à trois reprises à des peines de prison pour des préventions telles que fausse déclaration d’identité, escroquerie, détournement, faux et usage de faux, et recel. Radié du barreau et de la chambre des notaires, il avait été arrêté en 1988 avec un substitut du procureur du roi dans une vaste affaire d’escroquerie…

En mars 1981, un an avant sa première casserole judiciaire, Jacques Haustrate prend contact avec la filiale genevoise du bureau d’avocats panaméen Icaza, Gonzalez-Ruiz & Aleman. Objectif: acquérir une offshore pour ses clients. Hector est nommé président, Edouard trésorier et secrétaire, et Jacques Haustrate simple administrateur.

A quoi sert Clippertone Inc.? «A rien», nous répond Edouard Gallée, qui organise chaque année une course cycliste avec une ancienne gloire belge de la petite reine. «Je crois que c’était mon père qui l’avait créée et on y a mis fin tout de suite à l’époque. Ce sont des affaires de famille. Mon père est décédé en 1992.» Où cette offshore détenait-elle un compte en banque? «Elle n’en avait pas.» Possédait-elle des biens immobiliers? «Non, rien du tout.» Pourquoi dès lors créer une coquille panaméenne si elle ne détient rien? «Je ne peux rien vous dire. Cette société n’a pas vécu longtemps, six mois peut-être…» Le Registre des sociétés, lui, raconte une tout autre histoire…
D.L. et Q.N.




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Le roi du casier

La panaméenne d’un consultant. Pour toucher du black?

Francis Isenborghs, 66 ans, est un jeune retraité satisfait. Il laisse derrière lui une PME florissante qui conçoit et fabrique des casiers à bouteilles et des palettes en plastique pour le secteur international de la boisson. Notre ex-entrepreneur, qui habite un village croquignolet dans le Brabant wallon, a breveté plusieurs casiers ainsi qu’un procédé d’étiquetage qui font toujours le bonheur de ses anciens clients: Coca-Cola, AB InBev, Heineken, Danone, Nestlé…

Des noms bien plus connus que Capal Consulting Inc., l’offshore que Francis Isenborghs s’est créée en janvier 2007 au Panama. «C’est terminé, c’est fini tout ça…», dit-il à Marianne, comme s’il avait tourné définitivement une sombre page de sa vie. «Cette offshore me servait quand j’étais consultant. C’était pour toucher des petits montants. Mais la société n’existe plus. Ça fait plusieurs années que je n’ai plus rien payé.»

Pourtant, le Registre des sociétés la présente comme étant en vie. «Non, c’est une erreur, affirme-t-il avec l’aplomb d’un juge de paix. La société n’a duré que deux ou trois ans.» Lorsqu’on lui demande par quelle filière il est passé pour ouvrir son offshore, il se ferme comme une huître: «Non non non, c’est fini, non non, c’est terminé tout ça, je n’expliquerai plus rien. C’est du passé. Je n’ai pas envie de parler de ça. C’est terminé, au revoir monsieur.»
D.L. et Q.N.

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Une affaire de famille

Cinq offshore créées en sept mois, de multiples fusions et remaniements: la famille Festraerts, de Saint-Trond, est hyperactive au Panama. Un bien étrange business familial.

Les noms des cinq offshores dans lesquelles trois membres de la famille Festraerts apparaissent, ou sont apparus récemment, comme administrateurs, n’évoqueront pour vous qu’un exotisme frais saupoudré de jargon anglo-hispanique. Des sociétés dont les trajectoires peuvent se révéler complexes voire carrément virevoltantes. Tout d’abord, il y a Galinsky Continental Corporation, dans laquelle la famille Festraerts fait irruption en janvier 2007. Cinq jours plus tard, le même trio surgit au conseil d’administration de Lethbridge Overseas Corporation. Après une pause de deux mois, la famille Festraerts s’empare coup sur coup de Hetar Propiedades Inmobiliarias et Obrart Commercial Company. Après ce premier semestre frénétique, le trio familial créera aux aurores de juillet 2007 une ultime coquille: Casanueva Digital.

Que cachent ces cinq panaméennes acquises en seulement sept mois? D’autant que les choses n’en sont pas restées là… En juin 2007, Obrart absorbe une panaméenne tierce, la Rudge Brothers Inc. Début 2008, c’est au tour de Casanueva Digital d’engloutir deux sociétés. En novembre 2010, cette même Casanueva absorbe Obrart et deux autres boîtes extérieures au clan familial. En novembre 2010 toujours, c’est à Hetar et Galinsky de se faire manger toutes crues par Lethbridge. La famille Festraerts revendra ensuite ses parts dans cette dernière en janvier 2012, cédant le témoin à deux Américains d’une bourgade perdue du Colorado. Vous avez suivi?

Dans les documents, la famille Festraerts prétend être domiciliée au 5e étage de l’immeuble Magna Corp, rue Manuel Icaza, à Panama City. Dans le bureau 522, plus précisément. Mais aussi parfois dans le bureau voisin ! Deux bureaux du cabinet d’avocats Araúz, l’agent local par lequel notre trio agité est passé pour créer plusieurs de ses offshores. Une adresse fictive, bien sûr: la famille Festraerts habite dans le Limbourg…

Rudi, le patriarche, officie souvent comme trésorier des offshores. Son épouse, Greta V., remplit généralement le rôle de secrétaire. Ancien mandataire de l’Open VLD, Rudi fut notamment conseiller communal à Saint-Trond et membre du conseil de police, jusqu’en 2006. A la fin de sa carrière politique, cet ancien professeur exerçait treize mandats, dont huit rémunérés. Son dada? Les carnavals. Celui de Notting Hill, à Londres, et bien sûr celui de Saint-Trond, dont il est membre du comité d’organisation. Une chose est sûre: notre homme est bien équipé en masques panaméens…

Au bout du fil, Rudi soupire: «Comme on dit en flamand, le ciel me tombe sur la tête. Hetar Propiedades et tous ces noms, ça ne me rappelle que des hôtels où je pourrais aller en vacances. Je ne suis au courant de rien.» Nos documents proviennent du Registre officiel de Panama, pourtant, rétorquons-nous. «Ça c’est quelque chose! Mon nom se retrouve là-dedans?» Long silence. Malaise. Sibyllin, il glisse: «Apparemment, ce serait une affaire entre mon fils et ma femme. Je me suis distancié de tout cela.»

Kurt, son fiston, vit semble-t-il à Londres. C’est lui qui tirerait les ficelles de ce vaudeville panaméen. Dans les sociétés, il occupe souvent le rôle de président, et certains actes notariés indiquent qu’il en est l’actionnaire à 100%. Le jeune homme possède un sérieux bagage financier: son CV affiche un DESS en gestion financière et un master de la London School of Economics. A Londres, il contrôle deux sociétés logées dans son appartement: Blue Razor Limited et White Bullet Limited.

Notre conversation téléphonique avec lui est on ne peut plus confuse. «Non, ça ne me dit rien», bafouille-t-il à propos des sociétés, avant de revenir sur ses propos: «A Panama, pour acheter un terrain, vous devez acheter une société. J’ai donc acheté des actions pour devenir propriétaire de terres là-bas.» Il s’arrête. Déclare que les sociétés n’existent plus. Il siège encore au conseil d’administration de Casanueva Digital, pourtant. «Oui, ce qui existe encore est en quelque sorte géré par ma société britannique.» Invérifiable. Pourquoi ses parents apparaissent-ils dans ces offshores? «Parce qu’il faut trois administrateurs», répond-il. Mais il demeure évasif sur ce choix familial. «Etre administrateur, ça ne veut pas dire que vous êtes actionnaire. La société, elle, ne fait rien. Elle possède le terrain. On paye des frais annuels et des taxes sur les terres.»

Agacé, il nous dit de considérer ces sociétés comme un «investissement». «Un mauvais, d’ailleurs. Les prix ont chuté.» Mais où se situent ces terrains? «Dans un... club de golf.» Kurt refusera de nous envoyer des photos de ses terres panaméennes. «Que voulez-vous faire avec ça? Vendre les terrains pour moi? Non, franchement, il n’y a rien de louche là-dedans, sinon j’aurais pris un prête-nom.» Il est vrai que certains noms de sociétés gravitant autour de ce montage renvoient à l’immobilier. Mais ceci, en plus de ne rien prouver, n’explique pas la multiplication des sociétés, leurs fusions et leurs reventes intempestives. Comme si on cherchait à brouiller les cartes.
D.L. et Q.N.

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Deux banquiers «égarés» à Panama

Le patron de la banque Degroof et l’ex-numéro un de BNP Paribas Fortis à Pékin apparaissent comme prête-noms dans une offshore qui aurait permis, dans les années 1980, de réduire la facture fiscale d’un client. Lequel? Mystère.

Ses documents d’enregistrement reposaient depuis deux mois sur une étagère du cabinet d’avocats panaméen Durling & Durling. Une société on the shelf, comme disent les spécialistes. Une coquille vide prête à être vendue au premier client venu. Ce fut chose faite le 2 décembre 1981: un avocat new-yorkais, Peter F. DeGaetano, fait l’acquisition de Satley Investments Corp. S.A., pour la refiler quelques semaines plus tard, à deux banquiers belges alors âgés d’une petite trentaine d’années: Regnier Haegelsteen et Serge Janssens de Varebeke.

Depuis le 11 janvier 1982, date de l’entrée des deux hommes au conseil d’administration de cette offshore, de l’eau a coulé sous les ponts. Regnier Haegelsteen est aujourd’hui président du comité de direction de la banque Degroof, première banque privée et d’affaires indépendante de Belgique. Il est également administrateur de sociétés (Atenor, Etex, Schreder et Sipef) et président de la Fondation Saint-Luc de l’université catholique de Louvain. Quant à Serge Janssens, il était le représentant principal de BNP Paribas Fortis à Pékin de 1999 à sa retraite, fin 2012. Il a été fait Chevalier de l’ordre de Léopold en 2004 et est actuellement conseiller en commerce extérieur de l’ambassade de Belgique dans la capitale chinoise, où il réside.

Mais aujourd’hui, d’après le Registre des sociétés du Panama, l’offshore est toujours officiellement pilotée par les deux hommes. Regnier Haegelsteen en est le président du conseil d’administration et Serge Janssens de Varebeke, le vice-président. Un certain Vincent Stek, banquier suisse aujourd’hui retraité, cumule les fonctions de secrétaire et trésorier.
A l’instar de sa passion pour la chasse qu’il préfère ne pas évoquer «car l’on véhicule trop souvent de fausses images des chasseurs», explique-t-il dans une rare interview, M. Haegelsteen n’a pas souhaité répondre aux questions de Marianne. Cette offshore «ne lui rappelle rien du tout», nous a fait savoir Patrice de Laminne, porte-parole de la banque.

Contacté via l’ambassade belge à Pékin, Serge Janssens de Varebeke nous a vite rappelés. Satley Investments? «Jamais entendu parler.» DeGaetano? «Idem.» Vincent Stek? «Ce nom ne me dit rien. Par contre, il y a 20 ans, j’ai fait du private banking [gestion de fortune, NDLR] à la Générale de Banque, et nous avions une filiale aux Bahamas. La panaméenne pourrait venir de là...» Puis le franc tombe: «Aaaah mais attendez ! J’étais à New York de 1979 à 1983 ! J’étais à la tête du desk belge de la European American Bank, une banque consortiale qui comptait six actionnaires dont la Générale. Il n’est pas impossible qu’on ait créé une panaméenne dans le cadre d’un crédit octroyé à un client.» Puis, lorsque nous lâchons le nom du patron de la banque Degroof, l’hypothèse s’affine. «Aaah, mon bon copain Regnier ! A l’époque il était chef du desk belge chez Morgan Guaranty et on avait quelques clients communs, notamment la filiale américaine de Petrofina.»

Le lendemain, Serge Janssens nous rappelle. Il a mené sa petite enquête avec l’aide d’Haegelsteen. Stek était un collègue de ce dernier chez Morgan Guaranty, et DeGaetano l’avocat de cette banque. «Comme on est tous les trois mêlés à ça, c’était certainement une opération de nos deux banques réalisée dans le cadre de nos fonctions d’employés de banques américaines. C’était probablement un prêt “consortial” où Morgan avait la position de leader, vu que moi je ne suis “que” vice-président de l’offshore. Ma banque avait dû mettre moins d’argent sur la table.»

Le client? «Certainement une société américaine qui pourrait être une filiale d’un groupe belge ou européen. A l’époque nous nous occupions principalement d’entreprises, pas de clients privés. Regnier a appelé DeGaetano, mais ses archives ne remontent pas aussi loin.» Mais qu’aurait donc fait ce client caché en embuscade derrière une panaméenne anonyme? «C’était de l’optimisation fiscale, un montage pour payer le moins de taxes possible. Et c’était certainement une pratique tout à fait courante et acceptée par le fisc américain. Soyez-en sûr.»
D.L. et Q.N.

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Trois patrons de PME en eaux troubles

Le patron d’une importante PME wallonne active dans le photovoltaïque apparaît dans une panaméenne. Cette offshore ne lui aurait jamais rapporté un centime, affirme-t-il. Tout en faisant l’éloge des paradis fiscaux.

C’est l’histoire de l’obscure offshore d’un entrepreneur solaire. A l’origine, CPM International Holdings, panaméenne créée en 1991. Dans ses statuts, quatre administrateurs: un certain Henri L. Pritchett, domicilié à Coral Springs (Floride) et son compatriote Mark Hopkins, habitant à l’autre bout du pays, à Seattle. Le président du conseil d’administration, Hervé Kerien, déclare résider, de manière surprenante, dans la chambre 451 de l’hôtel Jianguo, un quatre étoile de Pékin. Le quatrième annonce habiter Linkebeek (Brabant flamand). Il s’agit de Pierre Verhoogen, aujourd’hui à la tête d’une prospère PME du Brabant wallon pionnière dans le secteur photovoltaïque.

Joint par Marianne, il affirme d’abord ne pas se souvenir d’une quelconque offshore créée à Panama. Et tempère: «Dans ma vie, j’ai créé beaucoup de sociétés, vous savez...» Avant de se lancer dans le solaire, l’entrepreneur était notamment actif dans l’agroalimentaire avec son marin de frère. Il a aussi développé des affaires en Chine, au Pérou et en Tunisie.

Une veuve héritière

Au fil de la conversation, la mémoire de Pierre Verhoogen revient: «N’y aurait-il pas Henri Pritchett parmi les fondateurs?» Nous confirmons. «J’ai travaillé avec lui, en effet. Il était actif dans l’affrètement.» Les autres noms présents dans les documents renvoient également à d’anciennes relations d’affaires de l’entrepreneur belge.

Selon Pierre Verhoogen, la société aurait été mise en place par ce Pritchett pour faire de l’affrètement. Suite au décès dudit Pritchett, en 1992, cette panaméenne n’aurait jamais été réellement active, affirme-t-il. Toutefois, le Registre des sociétés de Panama est formel: elle n’a jamais été liquidée. Et la veuve de Pritchett, juste après le décès de son mari, a remplacé celui-ci au conseil d’administration en tant que secrétaire et trésorière. S’il s’agit effectivement d’une coquille vide, pourquoi la veuve en a-t-elle officiellement repris les rênes? Pourquoi ne pas l’avoir dissoute après le décès de Pritchett?

Pierre Verhoogen ne se rappelle pas avoir dû fournir un document d’identité ni une procuration permettant à Pritchett de l’enrôler comme administrateur en septembre 1991. Or pour administrer une offshore, une copie du passeport ou d’un document d’identité est en principe requise. Par ailleurs, Pierre Verhoogen ne souhaite pas particulièrement que CPM International soit dissoute, en dépit de sa supposée inactivité. «Cette société ne m’a jamais ramené un centime, je me contrefiche complètement de ce truc», nous dit-il. Et l’entrepreneur de se lancer dans une tirade sur les raisons qui font le succès de paradis fiscaux tels que le Panama. Outre les «coûts dérisoires» pour la création d’une société, Pierre Verhoogen estime que «passer par Panama permet de réduire les coûts structurels» des entreprises et donc «de continuer à les faire vivre ici», dans des Etats à l’imposition «démesurée» et incapables «d’avoir les moyens de financer leurs systèmes sociaux».

Comme des chiens sur un os

En légiférant trop vite sur les paradis fiscaux, dans la foulée des révélations de l’OffshoreLeaks, le monde politique risquerait de faire une grave erreur, estime Pierre Verhoogen. «Vous croyez que l’argent des paradis fiscaux est là-bas, dans des coffres et qu’il dort? En réalité, cet argent est dans l’économie réelle, à travers les bourses mondiales. Ça fait tourner les sociétés. Donc il faut éviter de trop vite couper le robinet.» Pour notre entrepreneur, la confiance des grandes fortunes dans les paradis fiscaux doit rester intacte. Et tant pis si ces territoires sulfureux profitent aussi aux gangsters de tout poil pour blanchir l’argent du crime. «Si les gens riches en viennent à se dire: “moi je ne mets plus mon argent dans une banque en Suisse, aux Bahamas ou aux îles Vierges, je vais reprendre mes dollars et les cacher sous mon matelas ou dans un coffre-fort chez moi, les dépenser discrètement, sans laisser de trace, comme ça personne ne m’emmerdera”, ça, c’est la mort de l’économie, parce que l’économie a besoin de cash!»

Quant au fisc belge, il ne comprendrait pas grand-chose aux montages offshore. «Je me souviens d’une affaire avec l’Algérie, une vente de médicaments à injecter qui étaient produits par Merck. Pour réaliser la transaction, Merck nous demandait de passer par sa filiale de Vaduz au Liechtenstein. Il y avait un bureau sur place, avec de vraies personnes qui y travaillaient. Lors d’un contrôle fiscal, les agents du fisc se sont jetés sur cette transaction avec le Liechtenstein comme des chiens sur un os! Ça a duré deux jours. Tout le contrôle fiscal ne s’est focalisé que là-dessus!»
David Leloup et Quentin Noirfalisse

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Gusher et Nuckol sont sur un camion…

 
Un administrateur de De Lijn et lobbyiste du transport routier s’est retrouvé, entre 2007 et 2010, président du conseil d’administration de deux offshores avec un collègue suisse. Les deux hommes tombent des nues et hurlent au complot.

Paul Laeremans et Martin Marmy. Un Belge et un Suisse. Deux noms qui ne vous diront sans doute rien. Pourtant, ils figurent parmi les personnages-clés de la très puissante Union internationale des transports routiers (IRU), un discret lobby chargé de défendre les intérêts des exploitants d’autobus, d’autocars, de taxis et de camions, «dans le but d’assurer la croissance économique et la prospérité via la mobilité durable des personnes et des biens». Partout dans le monde.

L’IRU fut créée en 1948 pour favoriser la reconstruction de l’Europe en appliquant une stratégie «de facilitation du transport routier» développée par les Nations Unies. Avec 170 associations professionnelles membres, l’IRU est devenue un mastodonte qui s’étend aujourd’hui dans 73 pays et possède, outre son siège à Genève, des délégations permanentes à Bruxelles, Moscou et Istanbul. Parmi ses membres associés, on retrouve tous ceux qui prospèrent grâce au macadam: Volvo, Scania, Michelin, Iveco, Eurolines, UPS, Continental… Le tout forme ce qu’on pourrait appeler le lobby du libéralisme routier global.

Son plus grand fait d’armes? La mise en place du système «TIR» (transport international routier), un régime fiscal douanier qui permet à un camion de traverser plusieurs pays en gardant sa cargaison sous scellés: le véhicule n’est contrôlé par les douanes qu’au départ et à l’arrivée, pas en chemin. C’est l’IRU qui gère ce système sous mandat des Nations Unies. Un dispositif qui représente un milliard de dollars de garantie bancaire chaque jour... En cas de fraude, si le transporteur TIR ne peut payer (s’il est en faillite, par exemple), c’est l’IRU qui règle l’addition, l’organisation étant elle-même assurée auprès de compagnies privées.

Un «fanatique» du transport routier

Voilà pour le contexte. Et c’est un Belge – Paul Laeremans, donc – qui a présidé cette gigantesque organisation de 2002 à fin 2007. S’il y a bien une personne qui l’a marqué durant sa présidence, c’est le secrétaire-général Martin Marmy, lequel quittera bientôt son poste après «20 ans d’un règne sans partage», selon la presse spécialisée. Laeremans décrit Marmy, avec qui il a tissé des liens d’amitié, comme un «fanatique du transport routier» qui, grâce à ses «accents visionnaires», a «très vite senti venir la globalisation» et est parvenu à «mondialiser l’IRU».

Depuis qu’il a quitté la présidence, Laeremans est resté membre du comité exécutif de l’IRU. Il est aussi président du conseil d’administration de Tir Service, Viatrans et Viainvest, trois sociétés genevoises dans le giron de l’IRU pour lesquelles il a le pouvoir de signature avec Marmy. A l’échelon belge, Laeremans est administrateur délégué de la Fédération belge des exploitants d’autocars et d’autobus (FBAA) et administrateur au sein de la société de transport public De Lijn. Il est également directeur du Fonds social pour les ouvriers des entreprises d’autobus, une organisation paritaire où il représente le ban patronal.

Laeremans et Marmy ne partagent visiblement pas qu’un vif intérêt pour la défense du transport routier. Selon des documents officiels de l’Etat du Panama, les deux hommes ont été administrateurs de deux offshores entre 2007 et 2010. Les noms de ces coquilles sont, comme à l’habituée, relativement saugrenus: Nuckol Enterprises et Gusher Securities. Les deux sociétés jumelles ont été créées au lendemain du jour de l’an 2007, mais les noms de Laeremans et Marmy n’apparaissent au conseil d’administration que le 6 juillet 2007. Le premier comme président, le second comme vice-président. Un avocat panaméen, Paul E. Silva, complète le board, la loi panaméenne imposant trois administrateurs.

Détail surprenant: l’adresse de Laeremans et Marmy mentionnée sur les documents est celle de la banque Arbinter-Omnivalor à Genève. Il s’agissait à l’époque d’une filiale spécialisée en gestion de fortune de la banque privée Edmond de Rothschild. En décembre 2009, Gusher Securities est dissoute. Nuckol Enterprises suit, trois mois plus tard.

E-mail anonyme et plainte

Joints par Marianne, les deux protagonistes le crient haut et fort: ils ne connaissent pas ces sociétés. Ont-ils déjà travaillé avec Arbinter-Omnivalor ou la banque Rothschild dans le cadre de l’IRU? «Jamais», tranche Laeremans. Avant même de pouvoir formuler cette question, Martin Marmy nous coupe: «Je sais très bien pourquoi vous appelez. C’est lié à cette histoire de diffamation. Un email anonyme a circulé avant notre assemblée générale d’avril 2013. C’était à propos de moi-même, de M. Laeremans et d’autres personnes éminentes travaillant pour l’IRU. Je ne peux pas vous dire grand-chose sur le contenu, car nous avons déposé plainte. Vous savez, je suis en fin de carrière. Il y a peut-être des gens qui ont souffert de moi ou de ma manière de faire.»

Cette affaire interne, dont Marianne ignore tout, serait liée au licenciement de trois cadres d’une société satellite de l’IRU en janvier dernier, selon Laeremans. Elle n’a sans doute pas grand-chose à voir avec les deux panaméennes qui nous préoccupent. Quelles sont, dès lors, les autres hypothèses développées par Marmy et Laeremans pour expliquer la présence de leurs noms dans Gusher et Nuckol? Marmy reconnaît bien avoir un avocat à New York pour «des affaires pas du tout financières» et qui possède une étude à Panama. «Il est possible qu’il ait pris ma signature», insistant, complètement hors contexte, sur les «56.000 apparitions de son nom sur Internet».

Paul Laeremans évoque aussi l’hypothèse d’une utilisation abusive de son passeport – une copie de celui-ci est nécessaire pour entrer au CA des deux panaméennes. «Durant mes années de présidence, j’ai participé à de nombreuses ouvertures et fermetures de comptes, dans de nombreux pays où nous travaillons. Le Panama n’en fait pas partie. J’ai signé des centaines et des centaines de documents, donné plusieurs fois des copies de mon passeport. Des personnes malintentionnées ont pu tomber sur celles-ci...»

Scénario «abracadabrantesque»

En bout de course, Laeremans ajoute avoir également signé, lors de sa présidence, des papiers relatifs à l’ouverture d’un compte pour l’IRU à l’Union Bancaire Privée (UBP). «Mais ce compte a ensuite été fermé après mon départ de la présidence.» Et Laeremans d’avancer une énième hypothèse qu’il ne peut davantage étayer: «On m’a dit, à la comptabilité, que les banques, notamment suisses, font des opérations de rétrocession. Il ne serait pas impossible que les avoirs confiés à l’UBP aient été placés dans d’autres banques.» Un scénario complètement «abracadabrantesque», estime un banquier interrogé par Marianne…

Inlassablement, Laeremans et Marmy, avec lesquels nous avons longuement discuté, taillent leur route: ils sont convaincus que quelqu’un s’est servi de leurs noms. Mais si c’était pour leur nuire, pourquoi ces personnes supposées malveillantes auraient-elles dissous les deux offshores sans avoir même révélé publiquement leur existence? Ici aussi, l’explication ne tient pas la route.

La courte et très mystérieuse existence de Gusher et Nuckol pourrait-elle être éclaircie par une demande d’explications à la banque Edmond de Rothschild, qui a absorbé Arbinter-Omnivalor en 2009? Après tout, c’est bien l’adresse de cette dernière, aux abords du lac Léman, qui figure à côté des noms des deux hommes. Réponse de Laeremans: «Je ne banalise pas cette histoire, mais je ne compte pas contacter la banque Rothschild. Me donneraitelle ces informations? J’en doute. Je ne veux pas le savoir, de toute manière, j’ai trop de choses à faire.»

Alors, usage abusif des deux noms? Investissements privés réalisés par les deux lobbyistes? Placements risqués pour le compte de l’IRU? Ou s’agit-il de fonds de l’IRU «détournés» via le Panama? Voire de caisses noires mises en place pour s’acheter certaines faveurs politiques? A moins que les deux coquilles ne soient les réceptacles de «commissions» versées par des membres de l’IRU à ses dirigeants, afin que l’organisation adopte certaines priorités plutôt que d’autres? Pour l’heure, en tout cas, le mystère de Gusher et Nuckol reste entier…
D.L. et Q.N.

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Plus de 160 Belges identifiés dans des offshores au Panama


Marianne a bénéficié d’une importante fuite de données provenant du Panama. Notre enquête permet de lever un coin du voile sur le fonctionnement opaque de ce paradis fiscal d’Amérique centrale, qui séduit des contribuables du monde entier. Dont de nombreux Belges en quête d’anonymat. Nous en avons identifié plus de 160. Après OffshoreLeaks, voici le Panamagate.

Par David Leloup et Quentin Noirfalisse
Marianne Belgique, 4 mai 2013 (PDF)


EPISODE 1

Le Panamagate ne fait que commencer...
Anonymat, montages fiscaux plus ou moins légitimes, activités légales aussi: Marianne vous emmène à la rencontre de ces Belges qui ont ouvert une société offshore au Panama. Des profils sociologiques variés, pour des usages qui le sont tout autant...

Vendre de la bière provoquerait des trous de mémoire
Trois figures de l’actionnariat familial d’AB InBev apparaissent comme administrateurs d’offshores panaméennes. Des mandats qui ne leur rappellent pas grand-chose, voire rien du tout. Seule certitude: ce ne sont pas des filiales du groupe brassicole.

Gusher et Nuckol sont sur un camion…
Un administrateur de De Lijn et lobbyiste du transport routier s’est retrouvé, entre 2007 et 2010, président du conseil d’administration de deux offshores avec un collègue suisse. Les deux hommes tombent des nues et hurlent au complot.

Deux banquiers belges égarés à Panama
Le patron de la banque Degroof et l’ex-numéro un de BNP Paribas Fortis à Pékin apparaissent comme prête-noms dans une offshore qui aurait permis, dans les années 1980, de réduire la facture fiscale d’un client. Lequel? Mystère.

Trois patrons de PME en eaux troubles
Le patron d’une importante PME wallonne active dans le photovoltaïque apparaît dans une panaméenne. Cette offshore ne lui aurait jamais rapporté un centime, affirme-t-il. Tout en faisant l’éloge des paradis fiscaux.

Une affaire de famille
Cinq offshore créées en sept mois, de multiples fusions et remaniements: la famille F., de Saint-Trond, est hyperactive au Panama. Un bien étrange business familial.

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Vendre de la bière provoquerait des trous de mémoire

 
Trois figures de l’actionnariat familial d’AB InBev apparaissent comme administrateurs d’offshores panaméennes. Des mandats qui ne leur rappellent pas grand-chose, voire rien du tout. Seule certitude: ce ne sont pas des filiales du groupe brassicole.

«Je suis au moins aussi intrigué que vous par cette société et je vais continuer mes recherches, monsieur. C’est dans mon intérêt que tout cela soit éclairci, vis-à-vis de toutes les responsabilités que j’exerce.» L’homme qui s’exprime ainsi à l’autre bout du fil, le comte Arnoud de Pret Roose de Calesberg, est méconnu du grand public. Il n’en est pas moins étroitement associé à l’un des plus beaux fleurons industriels d’origine belge: AB InBev, premier brasseur mondial, qui vient tout juste d’engloutir le Mexicain Grupo Modelo, producteur de la Corona.

En effet, grâce au mariage du grandpère d’Arnoud de Pret avec Geneviève de Spoelberch, cette famille de la noblesse versée depuis quatre siècles dans le monde des affaires s’est intégrée dans l’actionnariat familial de la brasserie Artois, fusionnée en 1987 avec Piedbœuf pour devenir le géant Interbrew.

De 1990 à 2011, Arnoud de Pret, ingénieur commercial de formation, a été l’un des piliers du conseil d’administration de l’ogre brassicole, où il a représenté les actionnaires familiaux belges d’AB InBev. Arnoud de Pret conserve par ailleurs de multiples mandats d’administrateur au sein des boards de Delhaize Group, d’Umicore, de l’Union chimique belge, de Sibelco (multinationale active dans l’extraction de minerais), d’Intégrale (les assurances pension) ou encore de Lesaffre & Cie, leader mondial dans le domaine de la levure. A cela s’ajoute un autre poste, prestigieux, au sein du conseil de surveillance d’Euronext.

Une offshore nommée «syndicat»

Toutefois, s’il y a bien une casquette dont Arnoud de Pret semble vouloir se débarrasser aujourd’hui, c’est celle d’administrateur dans une société offshore nappée de mystère, la Tradeunion S.A. Enregistrée à Panama, elle possède également au sein de son conseil d’administration le grand cousin d’Arnoud de Pret, André de Spoelberch, 87 ans, ancien vice-président d’Artois, qui fut également l’administrateur-délégué d’Interbrew les tout premiers mois après la fusion.

Mais d’où sort donc cette intrigante coquille au nom bizarre pour deux grands patrons – en anglais, trade union signifie… syndicat ! – et à l’objet social si vague qu’il ne nous apprend rien sur ses activités? Flashback. Le 18 février 1982, Tradeunion est créée à Panama par le cabinet d’avocats Icaza, Gonzales-Ruiz & Aleman. Deux mois plus tard, trois administrateurs uruguayens montent à bord: Miguel Angel Volonterio, Juan Pablo Castello et Pedro Domingo Vannelli. Ils endossent respectivement les rôles de président, secrétaire et trésorier. Peu d’informations existent sur eux. Depuis les années soixante, tous trois se sont installés dans les conseils d’administration de dizaines de panaméennes.

Historiquement, cette activité uruguayenne à Panama n’a rien de surprenant. Ce petit pays coincé entre les géants argentin et brésilien a longtemps été décrit comme la Suisse de l’Amérique du Sud. Non seulement pour les liens assez étroits qu’entretiennent les deux nations, mais également grâce à l’adoption, dans les années 1950, de lois bancaires inspirées du système helvétique. Résultat: aujourd’hui encore, l’Uruguay constitue un lieu d’exil extrêmement favorable pour les capitaux, avec des taxes faibles et un système bancaire développé.

C’est sans surprise, dès lors, que l’on retrouve, en 2005, Miguel Angel Volonterio, 76 ans à l’époque, comme trésorier au sein de la Chambre de commerce helvético-uruguayenne de Montevideo. Outre une année passée à la tête de l’Association uruguayenne de football en 1986, Volonterio est également un ancien directeur général et président d’une filiale de la Société Fiduciaire Suisse établie depuis 1951 à Montevideo.

Administrateurs au 15 mai 1987

Le vice-président actuel de cette filiale est également administrateur de Tradeunion: Pedro Domingo Vannelli. Quant au troisième administrateur de notre mystérieuse offshore, Juan Pablo Castello, outre qu’il a écumé les conseils d’administration de 110 panaméennes en majorité avec Vannelli ou Volonterio, il se fait très discret.

Le 15 mai 1987, nos trois Uruguayens se réunissent pour un conseil d’administration de Tradeunion à Montevideo. Ce jour-là, Arnoud de Pret et André de Spoelberch sont nommés administrateurs. Ils s’ajoutent ainsi à Volonterio, Castello et Vannelli, qui conservent leurs fonctions initiales. Depuis, Tradeunion n’a plus jamais produit le moindre acte officiel. Mais elle demeure en vie, tel que l’atteste le Registre des sociétés panaméen.

Contacté par Marianne, Arnoud de Pret déclare d’abord qu’il s’agit «d’une société du groupe InBev qui a été liquidée depuis longtemps». Nous l’informons que le registre affirme le contraire. «Elle est peut-être en vie, mais elle est dormante et n’a plus aucun actif à ma connaissance, répond-il. Vingt-cinq ans après, je ne pourrais pas vous indiquer à quoi elle a servi, mais c’était sans objectif fiscal.» Suite à ce coup de fil, nous avons contacté InBev, leur demandant de vérifier si Tradeunion apparaissait bien dans les rapports consolidés de l’époque. Par voie électronique, la porte-parole Karen Couck nous écrit qu’«après consultation de nos bases de données, nous sommes en mesure d’affirmer que nous n’avons à ce jour aucune filiale au Panama. La société à laquelle vous faites référence était peut-être une filiale au temps des brasseries d’Artois qui n’a jamais été consolidée.»

Entretemps, Arnoud de Pret, nous assure-t-il, a consulté son entourage, dont André de Spoelberch, sans parvenir à percer le mystère: personne ne se souvient de cette prétendue filiale. Il aurait également tenté de retrouver la société fiduciaire y étant liée. Sans succès. Et aboutit à la même conclusion que chez InBev: cette offshore n’a pas été consolidée à l’époque d’Interbrew.

Karen Couck complète: «En 1986, la brasserie Artois a conclu un accord fiscal avec les autorités belges qui a mené à une révision des structures d’entreprises historiques ainsi que des processus financiers. Suite à ceci, un certain nombre de filiales avaient été analysées et/ou liquidées.» Ce grand nettoyage aurait d’ailleurs été fait à l’époque où Arnoud de Pret était commissaire aux comptes d’Artois.

Mais lors d’un autre contact téléphonique, de Pret évoque davantage une filiale dénommée Tradeunion au... Luxembourg. «C’est un nom que je connais, une société qui avait un but d’investissement et de développement là-bas et que je sais avoir fait l’objet d’un “nettoyage” important, avec d’autres structures d’Artois, pour avoir un départ clair et transparent avant de créer Interbrew.»

Pourtant, Marianne a vérifié, aucune société nommée Tradeunion de près ou de loin n’a jamais été inscrite au Registre des sociétés luxembourgeois. Ce que nous confirmera AB InBev: «Dans nos bases de données ne figure aucune société au nom de Tradeunion.»
 

 Dans ce trou de mémoire collectif, l’Uruguay et son trio d’administrateurs n’ont guère plus de pouvoir révélateur. «Jamais Artois ni Interbrew n’ont été actifs là-bas, affirme Arnoud de Pret. Je suis très ennuyé d’être assimilé à une société dont je ne comprends pas l’existence. Mais le fait qu’on ait mis mon vrai nom, cela sonne comme une garantie pour moi. Je ne peux pas imaginer qu’on l’ait utilisé dans l’objectif d’une quelconque fraude ou pour quelque chose qui n’avait pas un but commercial légitime.»

L’ennui, c’est bien qu’il n’y a ni logique, ni normalité apparente dans le destin à peine dévoilé de cette étrange structure naviguant par-delà les frontières. Pourquoi de Pret et de Spoelberch sont-ils montés, à une époque concomitante avec la fin de la fusion d’Artois et de Piedbœuf, dans une coquille qui n’entretenait jusque-là aucun lien évident avec leur brasserie, et qui n’a jamais été dissoute malgré leur présence? Les administrateurs uruguayens servaient-ils de prête-noms dans le cadre d’un montage financier d’Artois? Ou Tradeunion détient-elle une partie de la fortune des deux hommes? Autant de questions qui restent sans réponse.


Seule certitude: Arnoud de Pret nous a fait part de sa détermination à se débarrasser de cette encombrante offshore…
D.L. et Q.N.




Rodolphe de Spoelberch: «J’ai complètement oublié...»

Officiellement pilotées par le vicomte depuis 2008, Rolph Marketing Corp. et Greyberg Holdings Inc. auraient servi à un investissement alambiqué.


Amour de l’art contemporain, investissements dans le solaire photovoltaïque, l’élevage de bœuf bio et le tourisme de luxe… Le vicomte Rodolphe de Spoelberch, 56 ans, incarne à lui seul une nouvelle catégorie sociale: l’»aribo» ou l’aristocrate bohème. Issu de l’une des plus riches familles de Belgique, propriétaire de la galerie Arthus à Ixelles, il détient depuis quelques années un ranch dans le nord-ouest de l’Argentine, à Pampa Grande. Cette propriété, qui représente deux fois la superficie de la région de Bruxelles-Capitale, compte 6.500 têtes de bétail, 500 chevaux, et occupe quelque 150 personnes. A plus de 4.000 km de Panama.

Marianne: A quoi servent vos deux offshores, actives selon le Registre panaméen des sociétés?
Rodolphe de Spoelberch: Elles ont servi à un investissement de private equity(*), je crois. Je ne me souviens pas exactement. Des partenaires avaient constitué ça à l’époque pour moi, je pense. Je crois que c’est tout à fait vide aujourd’hui… En fait, je ne sais pas exactement. C’était un petit investissement. Quelques dizaines de milliers d’euros. Chacun avait sa participation logée dans une offshore, je crois. Cet argent a été perdu.

Quel est l’intérêt d’investir via une coquille panaméenne plutôt que directement sous son nom?
R. de S.: C’est une bonne question. Moi je trouve ça aussi assez compliqué, franchement. C’était un peu alambiqué. Je ne vois pas trop l’intérêt de faire ça non plus. J’avais été sollicité par un copain pour cet investissement, car je fais quand même un peu de private equity à gauche à droite, des choses comme ça. C’était une société basée en Suisse qui a fait faillite parce qu’ils ont fait justement de mauvais placements. J’ai envoyé ce que je voulais investir là-dedans et eux ont monté cette structure un peu alambiquée. Je me suis retrouvé là-dedans, sans vraiment mon accord.

Pour vous nommer administrateur d’une offshore, il faut une copie de votre carte d’identité et une procuration signée. Sinon n’importe qui mettrait ses ennemis dans une panaméenne pour les accuser de fraude fiscale…
R. de S.: Oui, c’est exact, vous avez raison. Bien sûr, oui, euh... Je ne sais pas ce qui s’est passé exactement, c’est quelque chose que j’ai complètement oublié. Dans mes archives, j’ai peut-être quelque part un document qui a trait à cet investissement. Je peux regarder, mais franchement, ça n’a aucun intérêt.

Nous souhaitons expliquer à nos lecteurs les différents usages qui peuvent être faits d’une offshore panaméenne.
R. de S.: Oui, je vois. C’est vrai que ça interpelle les gens: «Tiens, pourquoi est-ce qu’on fait des choses comme ça? Est-ce que ça a un sens ou pas?» Voilà… C’est tout ce que je peux vous dire.
Propos recueillis par D.L.



Carmen, George et la Budweiser

Avril 2008, 10h du matin. Le conseil d’administration de Greyberg holdings se réunit au 2e étage du Mossfon Building, sur l’East 54th Street, à Panama city. malgré leur âge, la secrétaire de la réunion, Carmen Wong, 30 ans, et le président de séance, George Allen, 35 ans, sont déjà de vieux routiers du business de l’offshore. employés au cabinet d’avocats Mossack Fonseca, l’un des plus importants du Panama, ils administrent des sociétés offshore à tour de bras.

Bien qu’encore jeunes dans le métier, leur nom apparaît déjà dans plus de 6 800 sociétés panaméennes, dont la grande majorité est en vie. et cela pour le compte de «clients» dont ils ne connaissent généralement rien, si ce n’est le nom, et parfois l’adresse... car les véritables clients de ces prête-noms professionnels, ce sont des avocats, des banquiers et autres intermédiaires du monde entier. De Genève à new York, en passant par Paris, Dubaï ou Montevideo, ils achètent, pour leur propre clientèle, des véhicules financiers de papier administrés par George Allen, Carmen Wong et leurs collègues.

cette réunion du 25 avril 2008 n’a probablement jamais eu lieu. Du moins formellement. elle ne serait qu’un simple jeu d’écritures, une pure fiction. ce jour-là, Carmen et George étaient probablement dans le même bureau, chacun devant son ordinateur. L’un des deux a reçu des instructions par email. Il est bien possible que les seuls mots que les deux employés aient échangés ce vendredi matin-là le furent autour de la machine à café. Etait-il nécessaire de se parler pour nommer Rodolphe de Spoelberch, actionnaire belge du numéro un mondial de la bière, comme administrateur de Greyberg Holdings?

La veille, à 15h, la même fiction voudrait que Carmen et George aient officiellement intronisé le même Rodolphe au poste de président du conseil d’administration d’une autre offshore: Rolph Marketing Corp.

Si Carmen et George ont pris une Budweiser pour décompresser après leur journée de travail, il est très probable qu’ils n’aient pas fait le lien entre cette bière, dans le giron d’ABinBev, et le nom de Rodolphe, copié-collé quelques heures plus tôt dans leurs fichiers. ils ne sont pas payés pour ça. Ils sont payés pour entretenir une énorme fiction. Un gigantesque mensonge. Et comme le montre notre classement des prête-noms les plus actifs au Panama (ci-dessous), Carmen et George, malgré leur jeune âge, figurent parmi les meilleurs du pays.


Aida May Biggs, administratrice de 17.789 sociétés

Le Panama est une incroyable couveuse à offshores. Notre enquête révèle que les six noms qui reviennent le plus souvent parmi les prête-noms professionnels de la place sont des femmes. Et elles sont débordées. Voici le top 10 des prête-noms panaméens dressé par Marianne.

Nom                                       Sociétés administrées
Aida May Biggs                     17 789
Adelina de Estribi                  14 749
Verna de Nelson                      8 902
Yvette Rogers                          8 639
Jaqueline Alexander                8 633
Carmen Wong                          6 904
George Allen                            6 849
Esteban Bernal                         6 269
Delio Jose de Leon Mela         5 028
Pablo J. Espino                        4 192

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Le «Panamagate» ne fait que commencer...

 
Anonymat, montages fiscaux plus ou moins légitimes, activités légales aussi: Marianne vous emmène à la rencontre de ces Belges qui ont ouvert une société offshore au Panama. Des profils sociologiques variés, pour des usages qui le sont tout autant...

Après l’OffshoreLeaks, voici le Panamagate. Des hommes d’affaires, de grosses fortunes, des patrons de PME, des banquiers, des aristocrates, un syndicaliste, un sponsor du Vlaams Belang, des artistes, un galeriste, des lobbyistes, un prof, une psychologue... Tous ont en commun d’être ou d’avoir été administrateurs d’une offshore panaméenne ces dernières années.

Précisons-le d’emblée: être administrateur ou actionnaire d’une société offshore, qu’elle soit au Panama ou ailleurs, est parfaitement légal... pour autant que les éventuels revenus générés par cette offshore soient dûment déclarés au fisc du territoire où la personne réside. Or justement, le Panama est bien connu pour «vendre de l’opacité» via ses produits phares: sociétés anonymes, fondations, prête-noms professionnels. Toute une industrie s’y active. Et il est clair que le commerce de cet anonymat clé sur porte n’intéresse pas que les grands timides. Aux yeux du fisc, la simple possession d’un compte bancaire à l’étranger – détenu par une offshore ou non –, s’il n’est pas mentionné par le contribuable dans sa déclaration, est un indice de fraude fiscale. Ce seul indice suffit pour permettre l’ouverture d’une enquête administrative et lever, si besoin, le secret bancaire belge, afin de vérifier par exemple si ces fonds étrangers ne sont pas rapatriés sur notre sol par des voies détournées.

D’où sort ce «Panamagate» que nous mettons aujourd’hui sur la place publique? D’une importante fuite de données, dont a bénéficié Marianne, concernant des sociétés offshore panaméennes.
L’équivalent de 30.000 pages de texte. Soit une pile de feuilles A4 de trois mètres de haut. Pendant plusieurs mois, deux journalistes de Marianne, avec l’appui d’un chercheur universitaire, ont décrypté ces données brutes pour en extraire des informations significatives, notamment des noms d’offshores détenues par des Belges. Ces informations ont ensuite été recoupées en utilisant deux sources principales: le Registre officiel des sociétés panaméen, qui contient des actes notariés reflétant l’historique administratif de chaque offshore (statuts, nominations des administrateurs, démissions, fusion, dissolution...), et bien sûr les personnes identifiées, pour solliciter auprès d’elles des explications sur la fonction de l’offshore qu’elles administrent.

160 noms belges identifiés

Au terme de ce travail de bénédictin, plus de 160 noms belges ont été identifiés. Mais ce n’est bien sûr que l’arbre qui cache la forêt. Car les personnes en quête d’un anonymat plus poussé s’abritent évidemment derrière des prête-noms. Et empilent les couches d’opacité en emboîtant les structures offshore à l’instar de poupées russes.


Reste que beaucoup ne prennent pas cette précaution. Il y a deux semaines, Marianne révélait l’existence d’un compte luxembourgeois ouvert à la banque ING, dont les bénéficiaires étaient les descendants de l’ancien Premier ministre Paul van Zeeland, camouflés derrière une panaméenne créée par leur illustre ancêtre. Suite à ces révélations, et bien que le compte ait été régularisé en 2010, Catherine van Zeeland, petite-fille de Paul et conseillère au cabinet de la vice-Première Joëlle Milquet, a dû faire un pas de côté. Son nom apparaît en effet dans le Registre, parmi les administrateurs de cette offshore. Si Paul van Zeeland avait pris soin, lui, d’utiliser des hommes de paille, ses enfants et petits-enfants n’avaient pas souscrit à l’«assurance prête-noms» que proposent en option les banques privées et les officines commercialisant des panaméennes. Une assurance qui représente un surcoût annuel d’environ 300 euros.


Dans ce numéro et les suivants, à mille lieues d’une quelconque chasse aux sorcières aux relents populistes, Marianne vous propose une immersion au Panama à la rencontre de ces Belges qui, pour des raisons diverses, y dirigent une société offshore. Un constat s’impose: la panaméenne s’est démocratisée. On la retrouve dans tous les milieux. Cette semaine, nous nous penchons sur celles gérées par trois actionnaires familiaux du groupe brassicole AB InBev, comptant parmi les plus grosses fortunes du royaume. Sur l’offshore oubliée du patron de la banque Degroof, qui a joué les prête-noms pour un myst rieux client dans les années 1980. Sur les deux mystérieuses panaméennes administrées par un duo de lobbyistes au service de l’industrie mondiale du transport routier. Mais aussi sur les offshores de trois patrons de PME, et d’une étrange famille de Saint-Trond hyperactive au Panama…


Leurs histoires particulières constituent autant de pièces d’un vaste puzzle qui dépeint ce que l’on pourrait appeler la «planète offshore», cet univers parallèle qui a fait irruption dans le débat public à la faveur du scandale international dit de l’OffshoreLeaks. Un monde opaque constitué d’avocats discrets, d’employés consciencieux, de banquiers pragmatiques, d’intermédiaires dévoués. Un écosystème qui aspire, pompe, digère et stocke, offshore, une grande partie des richesses produites par l’homme aujourd’hui sur la planète. Selon le Tax Justice Network, un réseau d’ONG, d’économistes et d’universitaires qui font campagne pour la transparence du système financier, les grandes fortunes de la planète cachaient jusqu’à 32.000 milliards de dollars offshore à la fin de l’année 2010.


Cette industrie a développé une machinerie complexe, peu régulée, bien rodée, capable de créer des «no man’s lands juridiques» en remixant les droits romain et anglo-saxon. Elle permet de réaliser un spectre d’opérations qui vont de la simple optimisation fiscale légale à la fraude complexe et au blanchiment de l’argent du crime.

Une industrie antidémocratique

Notre propos est là. Cette industrie des services financiers offshore poursuit des objectifs antagonistes à ceux d’une démo- cratie moderne, chargée de garantir la paix sociale, via notamment une certaine redistribution des richesses. En tentant la «part du diable» qui est en chacun de nous, en «poussant au crime», cette industrie favorise la rupture du contrat social. Mieux la comprendre est nécessaire pour bien la combattre. A l’heure où nos gouvernements peinent à boucler leurs budgets, ce travail journalistique de «pédagogie offshore» nous apparaît d’un intérêt public urgent.
D.L. et Q.N.





Qu’est-ce qu’une société offshore?
Dans les pages qui suivent, une offshore recouvre une société de droit panaméen qui n’a pas d’activités domestiques au Panama, mais uniquement des activités économiques ou de gestion de patrimoine en dehors du pays. Du fait du régime fiscal légal panaméen, cette société est exemptée d’impôt local sur ses bénéfices. La loi panaméenne de 1927 sur les sociétés garantit par ailleurs l’anonymat aux actionnaires qui peuvent se cacher, d’une part, derrière des titres au porteur, d’autre part derrière des prête-noms les représentant au conseil d’administration. Très souvent, pour compliquer le travail du fisc et de la justice, les sociétés offshore situées dans un paradis fiscal détiennent leurs comptes bancaires dans un autre paradis fiscal, où le secret bancaire est bien sûr coulé dans la loi.


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