mercredi 30 décembre 2009

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Climate Business




Bruxelles, mercredi 28 octobre 2009. Au départ, l’idée était simple: aller à la rencontre du «big business» européen lors de la conférence annuelle de son principal lobby, BusinessEurope. Prendre la température de la communauté des affaires à six semaines du rendez-vous crucial de Copenhague, où les Etats-Unis ont lamentablement provoqué l'avortement du petit frère du protocole de Kyoto. Réaliser ensuite un sujet d’ambiance d’une dizaine de minutes pour CEO TV, un nouveau webmédia auquel j’ai le plaisir de contribuer.

Raté.

A peine avions-nous notre badge d’accréditation autour du cou qu’une trentaine de manifestants prenaient d’assaut le Charlemagne, ce building de la Commission à l’imposant manteau de verre situé en contre-bas du Berlaymont. Très vite, les accès au bâtiment furent bloqués.

Suspendues à des ballons d’hélium dans le hall d’entrée, des alarmes stridentes se mirent à hurler l’alerte climatique pendant que des membres du collectif informel «Climate Alarm!» distribuaient des tracts, sur le trottoir et à l’intérieur du Charlemagne, aux technocrates et conférenciers ébahis voire irrités par tant d’outrecuidance.

Ce blocus non violent, qui a duré une heure trente, a fortement amputé les rangs de l’amphithéâtre jusqu’en milieu de matinée. Les forces de l’ordre ont fait usage de lacrymos pour déloger les manifestants qui bloquaient, avec de simples cales en bois, les deux portes tambour donnant accès au bâtiment. Bilan: 23 arrestations administratives, deux blessés et un joyeux bordel.

Au grand dam de BusinessEurope, plusieurs «taupes» s’étaient inscrites à la conférence. Et l’ont perturbée de façon non violente via chants, numéros de clowns ou questions de fond adressées aux orateurs — genre: «Est-il bien rationnel de laisser les entreprises — des entités gouvernées par le profit à court terme — influencer les négociations de Copenhague, qui impliquent fondamentalement une prise en compte du très long terme?».

Invité à participer à un panel en matinée, l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts-ALE) a exprimé son vif soutien aux manifestants, et fustigé le manque d’ambition de BusinessEurope sur la question climatique. Une absence d’appétence dont la confirmation éclatante est sortie fin d’après-midi de la bouche même du directeur général du lobby patronal. Perché à la tribune, le baron Philippe de Buck van Overstraeten demanda instamment à un José Manuel Barroso fraîchement arrivé et assis en hâte au deuxième rang, «de ne pas aller trop vite vers l’objectif de moins 30%» d’émissions de gaz à effet de serre adopté par la Commission en janvier 2009.

Pour rappel, les Etats membres se sont engagés à réduire leurs émissions de 20% d’ici à 2020 (par rapport à 1990) – un chiffre qui pourrait grimper à -30% en cas d’accord international ambitieux et contraignant. Entériné à Mexico fin 2010?


Climate Business (29’). Avec: Philippe de Buck van Overstraeten (directeur général, BusinessEurope), José Manuel Barroso (président de la Commission européenne), Stavros Dimas (commissaire européen pour l’Environnement), Karl Falkenberg (directeur général, DG Environnement), Claude Turmes (Eurodéputé, Verts-ALE), Graeme Sweeney (Shell), Dominique Mockly (Areva), Jason Anderson (WWF), Roland Verstappen (ArcelorMittal), Philippe de Casabianca (CEFIC), Wolfgang Weber (BASF), Eric De Ruest (Climate Alarm!)...

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samedi 19 décembre 2009

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Coup d’Etat raté (de peu) à Copenhague


COPENHAGUE — Les Etats-Unis, l’Inde, la Chine, le Brésil et l’Afrique du Sud, soit cinq poids lourds des 194 juridictions signataires de la Convention-cadre de l’ONU sur les changements climatiques (UNFCCC), se sont mis d’accord vendredi peu après 22 heures sur une simple feuille de route jetant les bases d’un éventuel futur accord international sur le climat fin 2010. Ce que l’on sait moins, c’est que faute de consensus la plénière n’a pas adopté formellement ce texte.

Le document, intitulé abusivement «Copenhagen Accord», «reconnait le point de vue scientifique» selon lequel il est nécessaire de limiter le réchauffement planétaire à 2 degrés en 2100 par rapport aux niveaux pré-industriels. Mais il ne s’engage pas formellement en ce sens, ni ne fixe le moindre objectif de réduction d’émissions de gaz à effet de serre pour les pays industrialisés à l’horizon 2020.

L’«accord des Cinq» prévoit en outre de débloquer une enveloppe de 30 milliards de dollars au cours des trois prochaines années afin d’aider les pays en développement à lutter contre le réchauffement. Cette enveloppe devrait gonfler pour atteindre 100 milliards par an à partir de 2020.

La France s’est immédiatement alignée sur les Cinq, suivie quelques heures plus tard par une Union européenne pourtant humiliée par un deal dont elle a délibérément été exclue (son leadership international sur la question climatique agace les autres grandes puissances).

Conférences de presse sans journalistes

La nouvelle d’un «accord» à peine tombée sur le fil d’Associated Press, le président français Nicolas Sarkozy donnait une conférence de presse organisée à la hâte à l’hôtel Crowne Plaza semble-t-il, à quelques encablures du Bella Center qui abrite la conférence depuis deux semaines. Le président étasunien Barack Obama s’est également fendu d’un «briefing presse» dans un endroit indéterminé (la Maison Blanche indique qu’il s’agit du Bella Center bien que la presse internationale présente sur place n’ait pas été conviée et que le décor neutre d’arrière-plan ne corresponde pas à celui du COP15) devant au moins trois journalistes étasuniens (Jeff Mason de Reuters, Jennifer Loven d’Associated Press et Helene Cooper du New York Times sont mentionnés dans le compte-rendu; lors de la diffusion sur le réseau télé interne du Bella Center, aucun contre-champ n’a montré à qui Obama parlait).

En choisissant de ne s’adresser qu’à quelques journalistes nationaux triés sur le volet, les deux leaders politiques ont habilement échappé aux questions potentiellement féroces de la meute de journalistes internationaux parqués au Bella Center.

Chose importante, l’«accord des Cinq» n’a pas été formellement adopté en séance plénière par les délégués des 194 signataires de l’UNFCCC, faute de consensus. La conférence des parties a «pris acte» («takes note», en anglais et en italiques dans le texte) du document samedi matin vers 10h45, après une nuit de négociations tendues, agrémentées de plusieurs (longues) interruptions de séance et un changement de présidence.

Un «holocauste» pour l’Afrique

Tuvalu, Cuba, le Venezuela, la Bolivie et le Soudan ont mené la fronde en attaquant sévèrement le texte, tant sur le fond (trop vague, peu ambitieux et non contraignant) que sur le processus qui l’a engendré (la plénière n’a jamais donné mandat à la présidence danoise de déléguer à un petit groupe de nations le soin de rédiger les bases d’un accord pour tout le monde).

Le Soudan en a choqué plus d’un en comparant les conséquences de l’accord des Cinq à un futur holocauste pour l’Afrique, demandant illico à l’ONU d’«incinérer ce document [de son] système».

Sous la pression, Tuvalu s’est rétracté vers 7h30 du matin, mais les autres frondeurs ont campé sur leurs positions, empêchant ainsi la plénière d’atteindre un consensus pour adopter formellement le texte.

Le site officiel de l’UNFCCC mis à jour samedi après-midi confirme bien que la plénière n’a pas entériné l’accord des Cinq. Un tableau reprend les différentes décisions formellement adoptées par la Conférence des parties. L’«Accord de Copenhague» ne figure pas dans ce tableau mais est publié isolément sous celui-ci.



Dans les faits, les travaux de la Conférence des parties vont se poursuivre normalement. Ils pourraient se cristalliser sous la forme d’un accord contraignant lors de la COP 16 (la conférence annuelle des signataires de l’UNFCCC) qui se tiendra à Mexico en novembre 2010. Mais absolument rien n’est joué.

(Mis à jour les 20 et 21/12/2009)

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