vendredi 7 septembre 2007

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Inquiétudes autour du WiFi

Il permet de surfer sans fil sur Internet et même, depuis peu, de téléphoner. En plein essor dans le monde, il s’invite même dans les écoles. «Il», c’est le WiFi. Et comme aucune étude scientifique ne prouve son innocuité, il relance le débat sur l’impact potentiel des champs électromagnétiques sur la santé.



Surfer sans fil sur Internet confortablement assis dans son canapé, son jardin, à la terrasse d’un café ou dans un aéroport: voilà la prouesse technologique que permettent les réseaux WiFi. Très pratiques et moins chers que leurs homologues câblés, ces réseaux qui exploitent les ondes hertziennes pour transmettre de l’information numérisée sont en plein essor à l’échelle planétaire. La ville de Singapour est déjà entièrement «wifisée» et plusieurs autres (Amsterdam, Paris, San Francisco, Chicago...) ont l’intention de le devenir pour combler la «fracture numérique».

En Belgique, on n’en est pas encore là. Le plus grand réseau sans fil gratuit – 78 antennes sur le campus de la Plaine (ULB et VUB) à Bruxelles – ne fait encore que 0,5 km². Mais le WiFi est déjà très présent chez les particuliers. Au sud du pays, plus d’une connexion Internet sur trois est de ce type et 18% de tous les ménages possèdent une antenne WiFi sous leur toit, d’après l’Agence wallonne des télécommunications (AWT). Comme une antenne émet jusqu’à 30 mètres environ dans toutes les directions, il est plausible que plus de la moitié de la population belge se trouve aujourd’hui sous l’influence régulière des ondes WiFi.

L’Angleterre en émoi

Jusqu’ici, c’était essentiellement la nocivité potentielle des GSM et des antennes relais de téléphonie mobile qui posait question. Le débat s’élargit désormais aux réseaux WiFi. En Angleterre, un syndicat d’enseignants a ainsi réclamé fin avril au ministre de l’Enseignement britannique «une étude scientifique complète sur les effets sanitaires des réseaux WiFi dans les écoles, tant sur les élèves que les professeurs». Des associations de parents ont embrayé, réclamant le démantèlement des réseaux WiFi scolaires.

Fin mai, la BBC enfonçait le clou en révélant, dans une enquête qui a fait couler beaucoup d’encre, que l’intensité des champs électromagnétiques (CEM) présents dans une classe «wifisée» était en moyenne trois fois plus grande que celle des CEM émis par une antenne relais de téléphonie mobile à 100 mètres, et en diffusant le témoignage du directeur de l’Agence de protection sanitaire du Royaume Uni incitant à la prudence. Il est vrai qu’outre-Manche, le WiFi se retrouve dans plus d’une école primaire sur deux et dans quelque 70% des établissements secondaires...

En Belgique, par contre, aucun chiffre officiel n’existe sur la proportion d’écoles «wifisées», mais il est probablement très faible. En effet, les connexions Internet fournies par les pouvoirs publics aux établissements scolaires sont câblées par défaut. L’installation éventuelle du WiFi se fait exclusivement à l’initiative des directeurs d’école, nous explique-t-on à l’AWT et au Centre d’informatique pour la Région bruxelloise (CIRB).

Les enfants physiquement plus vulnérables

Sur le plan scientifique, le flou règne. Il n’existe aucune étude épidémiologique sur d’éventuels effets néfastes du WiFi. Et quand bien même, on manque de recul. «Il faut savoir qu’il existe un certain nombre d’effets potentiels à long terme qu’il ne sera pas possible de détecter avant 2015 au plus tôt», commente André Vander Vorst, professeur émérite à la faculté des sciences appliquées de l’université catholique de Louvain et membre du Conseil fédéral de santé et d’hygiène (CSH). Face au boom actuel des technologies sans fil (lire encadré ci-dessous), ce spécialiste des CEM estime qu’avec le WiFi comme avec le banal téléphone sans fil DECT, hyper répandu mais beaucoup moins médiatisé, «on manque grandement de prudence car on ne fait jamais qu’augmenter le niveau global des émissions dans la même bande de fréquences – les micro-ondes – dont les effets biologiques, au premier ordre, sont similaires quelle que soit la fréquence.»

Si la «fronde anti-WiFi» a embrasé les écoles anglaises, c’est aussi parce que des enfants sont concernés au premier chef. Ils passent environ sept heures par jour en classe et seront plus exposés à des CEM au cours de leur vie que n’importe quelle autre génération qui les a précédés. «Il existe de bonnes raisons de penser que les cellules jeunes sont plus sensibles aux CEM que les cellules adultes, explique André Vander Vorst. On sait par ailleurs qu’une épaisseur d’environ 5 cm de corps humain est nécessaire pour “blinder” nos organes internes contre les CEM diffusés par un GSM émettant à 900 MHz. Si l’on considère un torse d’adulte de 40 cm de diamètre, les 30 cm à l’intérieur du torse seront donc protégés. Dans le cas d’un torse d’enfant de 20 cm de section, seuls 10 cm seront isolés. Leurs organes internes sont donc plus exposés que les nôtres.»

Inquiétudes de Salzbourg à San Francisco

Le Royaume Uni n’a pas le monopole de la méfiance à l’égard du WiFi. En Autriche, le Département de santé publique du land de Salzbourg recommande officiellement, depuis décembre 2005, «de ne pas installer de réseau WiFi et DECT dans les écoles et les crèches», au nom du principe de précaution. Car selon le Dr Gerd Oberfeld, à la tête de ce département, les premiers résultats d’études empiriques réalisées sur des personnes sensibles montrent que «les symptômes observés jusqu’ici sont les mêmes que ceux observés dans les études réalisées sur les antennes relais de téléphonie mobile: maux de tête, difficultés de concentration, nervosité, problèmes de mémoire, etc.»

Au Canada, le recteur de l’université de Lakehead (Ontario) a mis un frein à l’essor du WiFi sur le campus en février 2006, histoire de protéger les 15.000 étudiants sous sa tutelle d’éventuels risques à long terme. En Allemagne, soucieuse de ne pas réaliser une «expérimentation humaine à grande échelle», la responsable des services chargés de l’enseignement à Francfort a interdit, en juin 2006, le WiFi dans toutes les écoles «tant que l’innocuité des communications sans fil n’aura pas été démontrée». Cet été, c’est carrément le gouvernement allemand qui a recommandé «de préférer autant que possible l’utilisation de solutions câblées traditionnelles plutôt que de connexions sans fil». A San Francisco, des groupes de riverains s’opposent actuellement au projet du maire et de Google qui souhaitent «wifiser» la ville au moyen de 2.200 nouvelles antennes. Et en France, le CRIIREM (Centre de recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques) s’est inquiété, juste avant l’été, du boom commercial des nouveaux téléphones portables «hybrides», capables de conjuguer les signaux GSM et WiFi et donc de passer d’un réseau à l’autre sans rupture de conversation.

Craintes fondées ou largement exagérées? Quoi qu’il en soit, il semble que, si les inquiétudes concernant les ondes GSM devaient un jour être confirmées, les autres technologies comme le WiFi, le WiMAX, l’UMTS et le DECT devront être balisées avec la même sévérité. Il va cependant falloir s’y résoudre: seul le temps qui passe nous donnera la réponse... D.L.



Ces ondes qui font débat

GSM. Téléphonie mobile de 2e génération (2G). Fréquence: 900 et 1800 MHz (dualband).
DECT. Téléphonie sans-fil numérique pour les entreprises et les particuliers. Portée: environ 30 m à l’intérieur, jusqu’à 300 m en champ libre. Fréquence: 1900 MHz.
UMTS. Téléphonie mobile de 3e génération (3G) à haut débit. Permet de transmettre de la vidéo. Fréquence: 2100 MHz.
WiFi. Accès sans fil à Internet, à la maison ou dans des «hotspots» (points d’accès publics dans les gares, aéroports, hôtels…). Portée: quelques dizaines de mètres. Fréquence: 2400 MHz.
WiMAX. «Grand frère» du WiFi, le WiMAX permet des connexions Internet à très haut débit par voie hertzienne. Portée: plusieurs km. Fréquence: 3500 MHz.

Les fréquences utilisées par ces différentes technologies appartiennent toutes à la famille des micro-ondes (qui s’étend grosso modo de 900 à 300 000 MHz). Pour André Vander Vorst, «il n’existe a priori aucune raison scientifique de penser que ces différentes fréquences peuvent avoir des effets distincts sur le vivant. Une variation de fréquence d’un facteur 2 ou 3 ne change pas grand chose. Par exemple, les fours à micro-ondes industriels qui cuisent le pain fonctionnent à 430 MHz ou à 960 MHz, alors que la norme pour les micro-ondes domestiques est fixée à 2450 MHz». Ce qui compte avant tout, ce n’est pas la fréquence mais l’intensité cumulée de ces champs électromagnétiques sur le long terme. Or la norme fédérale en vigueur, jugée trop laxiste par le CSH (qui en préconise une 50 fois plus sévère...), repose sur l’exposition aiguë, pendant 30 minutes, d’un adulte en bonne santé. Cette norme ne protège que contre l’échauffement des tissus. Tout autre effet biologique est donc de facto ignoré... D.L.


Cet article est disponible dans le numéro de septembre du mensuel belge Equilibre. S’il vous a plu, merci de bien vouloir envisager d’acheter le magazine en version papier, voire de vous y abonner.

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