dimanche 13 septembre 2009

Trois listings Clearstream sur Internet


A une semaine du procès Clearstream, l’internaute lambda qui «google» judicieusement la toile peut tomber sur trois listings originaux de la très privée chambre de compensation internationale. Clearstream est-elle l’institution financière luxembourgeoise la plus «fuitée» de la planète?

Le fameux listing Clearstream de 2001, celui-là même qui fut par la suite trafiqué pour mouiller Nicolas Sarkozy dans l’affaire des frégates de Taïwan, est librement accessible dans un recoin perdu d’Internet. Tout comme le listing de 1995 à l’origine de l’enquête de Denis Robert. Avec le «petit dernier» de 2004, qui mentionne une mystérieuse Bank Madoff, cela fait trois listings Clearstream téléchargeables aujourd’hui par le commun des mortels. Trois documents sensibles que la chambre de compensation internationale basée à Luxembourg et Francfort aurait sûrement préféré garder secrets.

Le plus étonnant, c’est que deux de ces listings – ceux de 1995 et 2001 – sont en ligne depuis plus de trois ans. Ils ont été publiés respectivement en mai et juin 2006 par le New-Yorkais John Young sur son site Cryptome – qualifié à l’époque de «site Internet le plus dangereux du monde» par le magazine Radar. Le troisième listing, daté de 2004, a quant à lui été «fuité» il y a quelques mois sur le portail étasunien Wikileaks.

Dans une lettre datée du 11 juillet 2006, l’avocat new-yorkais de Clearstream menaçait Young de poursuites judiciaires s’il ne retirait pas illico de son site les deux listings de 1995 et 2001. «Ces documents sont des tableaux Excel contenant des informations confidentielles sur nos clients, obtenues de Clearstream par des voies détournées», précisait Paul Hessler du cabinet Linklaters – authentifiant par là même les deux documents. Mais voilà, si les fichiers litigieux ont bien été ôtés des serveurs new-yorkais pilotés par Young, des copies figurent toujours sur un obscur serveur «miroir» situé en Autriche...

Prolifération des comptes non publiés

Le listing de 1995, qui est à l’origine de l’enquête fleuve — trois livres — du journaliste Denis Robert, contient 4.146 comptes clients ouverts directement auprès de la chambre de compensation. Outre les noms, numéros et statuts des comptes (publié/non publié), il renseigne également les noms et adresses des gestionnaires officiels des comptes.

Sur ces 4.146 comptes, 2.215 (53%) sont «publiés» (c’est-à-dire qu’ils figuraient à l’époque dans la liste de comptes mise à disposition des utilisateurs du réseau Clearstream), 1.926 comptes sont «non publiés» (hors liste officielle, donc connus des seuls initiés) et cinq ont un statut indéterminé (dû à des erreurs d’encodage).

En avril 2006, à titre de comparaison, Clearstream indiquait au journal Le Monde disposer de 5.542 comptes ouverts, dont 3.239 non publiés. Ce qui fait 42% de comptes publiés. Par rapport aux 53% de 1995, la baisse est significative. En fait, sur les 1.396 nouveaux comptes ouverts en 11 ans, l’immense majorité — 1.308 comptes, soit 94% — sont des comptes non publiés.

Pour rappel, les comptes non publiés sont soit des «sous-comptes» de comptes officiels (publiés) visant à faciliter les transferts entre filiales d’une banque et de sa maison mère, soit des comptes qui ne se rapportent à aucun compte officiel. Une banque peu scrupuleuse pourrait ainsi ouvrir des comptes non publiés, sous son nom et sa responsabilité, derrière lesquels se dissimuleraient des clients privilégiés. Ceux-ci auraient alors toute latitude de transférer des fonds n’importe où dans le monde, en toute opacité, à d’autres particuliers utilisant le même stratagème...

Recel de vol et d’abus de confiance

Le listing de 2001 (et non de 2002 comme annoncé à tort par Cryptome) est lui beaucoup plus large: il contient 33.340 comptes dont la très grande majorité sont des comptes de «contreparties», c’est-à-dire des comptes non ouverts directement chez Clearstream mais chez un autre dépositaire central avec lequel un client de Clearstream peut effectuer des opérations. C’est le cas par exemple d’Iberclear en Espagne, de la DTCC aux Etats-Unis, de Monte Titoli en Italie, etc.

Cet «annuaire financier» de plus de 33.000 références est en réalité le fameux listing obtenu par Florian Bourges, un ancien stagiaire chez Arthur Andersen qui a participé à l’audit de Clearstream en 2001. Bourges aurait d’abord remis le document à Denis Robert, puis à l’ex-trader Imad Lahoud qui a reconnu l’avoir falsifié en y ajoutant le nom de plusieurs personnalités, dont Nicolas Sarkozy, pour suggérer qu’elles auraient touché des commissions ou rétro-commissions lors de l’achat par Taïwan, en 1991, de six frégates à Thomson CSF.

Le simple fait de posséder une copie de ce listing a valu à Denis Robert une mise en examen en décembre 2006 pour «recel de vol de documents bancaires» et «recel d’abus de confiance». En conservant ce listing, Florian Bourges (lui aussi mis en examen pour les mêmes motifs) aurait en effet «volé» ce document à Clearstream et, ce faisant, «abusé» de la confiance de son employeur d’alors (Arthur Andersen). C’est du moins le point de vue des juges français Jean-Marie d’Huy et Henri Pons en charge de l’affaire Clearstream 2. Le procès, qui verra notamment Dominique de Villepin en «vedette» dans le box des accusés, se déroulera du 21 septembre au 21 octobre prochains devant la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

Le compte 62.619 de l’énigmatique Bank Madoff

Fin 2008, un nouveau listing Clearstream, jusqu’ici inconnu, a fait irruption sur le site étasunien Wikileaks. Publié sous la forme d’un fichier PDF de plus de mille pages, le listing recense quelque 38.838 comptes de contreparties en date du 1er juillet 2004. L’authenticité du document a été confirmée il y a quelques mois par Clearstream.

A la page 712 du listing figure une référence intrigante: le compte 62.619 ouvert au nom d’une énigmatique «Bank Madoff» à New York. Contacté par Médiattitudes, l’administrateur judiciaire Irving Picard se refuse à tout commentaire sur le rôle éventuel de cette mystérieuse banque dans l’escroquerie pyramidale fomentée par l’ex-star de Wall Street.

L’éventualité de mettre les autoroutes de la finance globalisée sous tutelle publique internationale n’a pas du tout été envisagée par le G20 lors de sa réunion «historique» du 2 avril dernier, pas plus qu’elle ne figure à l’agenda de sa prochaine réunion à Pittsburgh les 24 et 25 septembre prochains.


Les trois listings Clearstream disponibles en ligne:



2 commentaires:

Anonyme a dit...

vu que sarko a ouvert un compte a cedel,vieux nom de clearstream,les listings,truqué,ne le sont peut etre pas!!!!

claralarde a dit...

Où peut-on dorénavant trouver ces listings ?