C’est une des plus grandes polémiques scientifiques de la fin du 20e siècle. La «fusion froide» – fusion de deux atomes légers à basse température – a fait couler beaucoup d’encre depuis que «l’affaire Pons et Fleischmann» a éclaté en 1989. Ces deux scientifiques affirmaient pouvoir transmuter de l’hydrogène en hélium avec des moyens très simples, à température ambiante. Avec, en prime, un dégagement de chaleur anormal susceptible d’en faire une source d’énergie quasi inépuisable. Bref, c’était le grand retour de l’alchimie!
Mais l’expérience de Pons et Fleischmann s’est révélée instable, difficile à reproduire et inexplicable en regard des théories physiques actuelles. Celles-ci stipulent en effet que la fusion n’est possible qu’à de très hautes températures (c’est d’ailleurs l’objectif du pharaonique et très controversé projet ITER). La «fusion froide» a donc été rapidement mise au ban par la communauté scientifique. Mais vu les enjeux, certains chercheurs et grandes entreprises ont poursuivi leurs recherches… en catimini. Seize ans plus tard, diverses expériences ont été répliquées, plusieurs transmutations observées et l’on semble assister aux premiers frémissements d’un revirement progressif de l’establishment scientifique. Chaque année, EDF et le Commissariat français à l’énergie atomique (CEA) envoient discrètement des experts assister aux conférences internationales sur le sujet. La revue Science & Vie, réputée pour son scepticisme, a récemment consacré sa «une» et 18 pages enthousiastes à ces phénomènes (1). Jacques Foos, directeur du laboratoire des sciences nucléaires au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) à Paris, y déclare: «J’ai accepté de soutenir des recherches sur la fusion froide au CNAM sans y croire vraiment, mais en pensant démasquer l’artefact. Aujourd’hui, je suis convaincu que le phénomène existe même si ce n’est pas de la fusion classique.» Et début décembre 2005, à Yokohama (Japon), les travaux de son collègue Jean-François Fauvarque, professeur d’électrochimie industrielle, ont été présentés à la 12e Conférence internationale sur la matière nucléaire condensée (nouvelle étiquette, moins polémique, de la «fusion froide»). Parallèlement, au cours de ces deux dernières années, un public de scientifiques indépendants, d’étudiants et d’apprentis chimistes s’est emparé du phénomène. Dont bien sûr Jean-Louis Naudin, qui a reproduit plusieurs expériences et diffusé ses «recettes» sur Internet. Ses résultats positifs ont d’ailleurs incité les chercheurs du CNAM à se lancer dans l’aventure.
Tous courent après la maîtrise d’un phénomène qui pourrait remplacer le pétrole, transmuter en éléments inertes les tonnes de déchets radioactifs générés par les centrales nucléaires depuis 50 ans, et reléguer le projet ITER aux oubliettes de l’histoire.
D.L.
(1) «Alchimie : les physiciens commencent à y croire !», Science & Vie, n° 1040, avril 2004, pp.48-66.
En savoir +
JLNLabs.online.fr/cfr
LENR-CANR.org
The Rebirth of Cold Fusion : Real Science, Real Hope, Real Energy, Steven B. Krivit et Nadine Winocur, Pacific Oaks Press, 2004.
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samedi 18 février 2006
Le retour de la «fusion froide»
Publié par David Leloup à 17:10
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