Gluant, blanchâtre mais surtout biologiquement sinistré: dans sa nouvelle campagne, Greenpeace vous révèle tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sperme sans jamais avoir osé le demander. Avec en prime, pour appuyer le message, un pastiche d’une scène d’anthologie tirée du film quasi éponyme de Woody Allen:
En focalisant sa campagne uniquement sur les substances chimiques, en grande partie responsables du déclin de la qualité du sperme dans les pays industrialisés, Greenpeace est en phase avec ses références cinématographiques, mais en retard d’une guerre. Certes, le problème de la pollution chimique de l’environnement est plus que préoccupant, et les débats actuels sur REACH au parlement européen ne sont pas sans orienter les priorités de l’ONG environnementaliste en matière de communication (le vote de REACH, en seconde lecture, est prévu la semaine du 11 décembre). Mais la «pollution du sperme» de l’homo sapiens occidental est très vraisemblablement amplifiée par l’impact des champs électromagnétiques (CEM) émis par les téléphones portables et autres antennes relais de téléphonie mobile (GSM et UMTS), y compris les bornes DECT des téléphones sans fil domestiques, les réseaux WiFi et WiMax.
Effets aigus confirmés... et à long terme?
En effet, il y a quelques semaines, une étude turque faisait état de résultats préoccupants en la matière. Sa conclusion? La motilité des spermatozoïdes est influencée in vitro par les CEM (900 MHz) émis par un téléphone portable classique. Des résultats qui se basent sur les échantillons de sperme de 27 hommes sains (la moitié de chaque échantillon a été exposée aux CEM, l’autre moitié pas). «En plus de ces effets aigus, soulignent les chercheurs de la Gulhane Military Medical Academy à Ankara, une exposition à ces CEM sur le long terme pourrait entraîner des changements comportementaux ou structurels dans les cellules germinales mâles. Ces effets pourraient s’observer plus tard au cours de l’existence, et ils devraient être étudiés plus sérieusement.»
Mais ce n’est pas tout. Une étude étasunienne présentée fin octobre à la Nouvelle-Orléans lors de la réunion annuelle de la Société étasunienne de médecine reproductive, a également montré que plus un homme passe de temps au téléphone portable, plus on observe de problèmes en termes de nombre, motilité, viabilité et morphologie des spermatozoïdes. Cette recherche a quant à elle été réalisée sur 364 hommes qui consultaient, avec leur partenaire, des cliniques de fertilité dans la région de Mumbai, en Inde.
Brosse à dents de la mort
Le Dr. Ashok Agarwal, principal auteur de l’étude et chercheur au Centre de recherche reproductive de la clinique de Cleveland, un des meilleurs hôpitaux des Etats-Unis, a déclaré à la presse, en parlant du téléphone portable: «C’est comme utiliser une brosse à dents, sauf que cela pourrait avoir un effet dévastateur sur la fertilité.»
Malgré cette citation taillée sur mesure pour des médias avides de contenus «sexys», l’info qui la sous-tend n’a été reprise que par une fraction de la presse étrangère anglophone (anglaise, australienne, néo-zélandaise et indienne). Aux Etats-Unis, où 225 millions d’Américains utilisent un téléphone portable, ce fut un non-événement total, s’étonne Louis Slesin, rédacteur en chef de la lettre d’information Microwave News, lue par tout le landerneau «branché CEM». Silence radio dans la presse francophone également, sauf une brève de... 63 mots dans Le Vif/L’Express du 10 novembre. Google Actualités recense quant à lui une seule citation, dans un quotidien électronique français, spécialisé et payant.
Etonnant, tout de même, quand on sait que ces deux études sont déjà des réplications de résultats antérieurs, connus depuis 1999 (Slesin cite une étude australienne, une hongroise et une turque). Et qu’en juin 2006, le cap des deux milliards d’utilisateurs de GSM a été franchi, 12 ans seulement après l’introduction de ce joujou qui pulvérise tous les records antérieurs d’adoption technologique. Le tiers de l’humanité possède donc aujourd’hui un téléphone portable. Dont une grande majorité d’hommes.
D.L.
