«Le problème, c’est que le contrôle public des transactions financières est un sujet très compliqué dont tout le monde se fout. Mis à part Montebourg et moi-même, rares sont les politiques à s’être intéressés à ces questions. Et pour cause: ce n’est pas porteur électoralement. Pourtant, il faut que la gauche prenne conscience que le contrôle des transactions financières constitue le combat du 21e siècle.»
Vincent Peillon, à propos de l’affaire Clearstream 1 (Technikart, juin 2006).
Début août, le journaliste-écrivain-réalisateur Denis Robert a reçu une «lettre inamicale» du premier ministre français, Dominique de Villepin, qui le poursuit pour diffamation. En cause, notamment, l’affirmation de Robert dans son dernier livre Clearstream, l’enquête (2006) selon laquelle de Villepin aurait joué un rôle actif dans l’affaire Clearstream 2, pour éliminer son rival Nicolas Sarkozy «en utilisant la justice pour règler les comptes politiques de la Chiraquie».
Début septembre, c’est la chambre de compensation luxembourgeoise elle-même qui s’est rappelée au bon souvenir du journaliste. Clearstream assignait alors Robert à comparaître devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour diffamation avant le 6 octobre, et lui réclamait – au passage – 100.000 euros de dommages-intérêts. De quoi inciter les journalistes «fouille-merde» à la prudence...
Quand Barroso couvre Bolkestein
Robert, ex de Libé (lire notamment sa «lettre de rupture» historique à Serge July), enquête depuis plusieurs années sur Clearstream et les coulisses de la finance mondialisée. Il a publié trois livres, un roman et réalisé deux films sur cette affaire complexe qui lui pollue désormais méchamment l’existence. Depuis 2001 en effet, une avalanche de procès pour diffamation s’abbat sur lui dans la plupart des pays où ses ouvrages et ses films ont été diffusés. L’essentiel de ces poursuites provient de Clearstream et de la sulfureuse banque russe Menatep, où Frits Bolkestein officie en tant que conseiller de la direction depuis la fin de son mandat de commissaire européen.
Précisons qu’en 2001 Bolkestein lui-même s’est opposé à l’ouverture d’une enquête parlementaire sur Clearstream. A l’époque, le très libéral commissaire hollandais était déjà lié à la Menatep puisqu’il y siégeait au sein du Conseil consultatif international. Interpellé en mai 2005 par l’eurodéputé batave Paul van Buitenen (l’homme qui fit tomber la Commission Santer en 1999), Jose Manuel Barroso n’a pas jugé bon d’ouvrir une enquête parlementaire sur cet embarrassant conflit d’intérêt. «A Bruxelles, tout repose sur les réseaux informels pour faire bouger les choses», déclarait, fataliste, van Buitenen en avril dernier.
Ami débauché par Clearstream
Bref, Denis Robert croule sous les assignations. Mais il gagne presque toujours ses procès, m’expliquait-il lors d’un entretien réalisé il y a deux ans et demi. Quand ce n’est pas le cas, ses rares condamnations se résument la plupart du temps à un euro symbolique. Cette «stratégie de l’épuisement» n’a jusqu’ici pas (encore?) porté ses fruits. Même si, dans cette guerre des nerfs aux enjeux planétaires, Clearstream est allée jusqu’à embaucher comme attaché de presse un de ses proches amis, journaliste à l’AFP, avec lequel il avait couvert de longs mois durant la sombre affaire Villemin. Mais Denis Robert, journaliste de combat, a des nerfs d’acier. Son dernier livre, paru avant l’été, lui a valu «une petite dizaine» de nouveaux procès, dont celui intenté par Villepin. «Je suis une petite PME à moi tout seul», ironise-t-il sur son blog...
L’intégrale de ses films, dont deux consacrés à Clearstream, sort demain en DVD.
mercredi 4 octobre 2006
Le combat du 21e siècle
Publié par David Leloup à 06:12
Tags : Denis Robert vs Clearstream
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