samedi 22 avril 2006

Nano podcast

Pour ceux qui ont loupé les premiers épisodes de la révolution nanotechnologique en cours, la dernière émission radio «Semences de curieux» de Jacques Olivier (RTBF) résume assez bien la situation à laquelle nous sommes arrivés aujourd’hui (ceux qui préfèrent l’écrit peuvent se référer au dossier de 7 pages que j’ai rédigé pour Imagine il y a deux ans et demi; le PDF illustré se trouve ici). Diffusée dimanche 16 avril sur La Première, l’émission est disponible en podcast ici. C’est la philosophe française Bernadette Bensaude-Vincent qui est l’invitée de Jacques Olivier (qui consacre depuis début février une véritable série d’émissions à ce vaste et passionnant sujet, émissions qui ne sont malheureusement pas disponibles, elles, en podcast...).
Spécialiste de l’histoire de la chimie, auteure de nombreux bouquins sur les rapports entre science et société, Bernadette Bensaude-Vincent suit la révolution nanotech de très près, avec un œil critique avisé. De très près, parce que la capitale européenne des nanos se trouve à Grenoble (pôle MINATEC). Avec un œil critique avisé, parce qu’elle connaît parfaitement l’histoire de la chimie dont les nanos constituent d’une certaine manière le prolongement scientifique (sans oublier que la chimie de synthèse charriait à ses débuts les mêmes fantasmes démiurgiques que les nanotechnologies un siècle plus tard). La causerie (39 minutes) porte ici sur les questions éthiques soulevées par les nanos. La suite sera diffusée ce dimanche 23 avril de 17 à 18h en «live», puis en podcast dès le lendemain.
Sur la question de la toxicité potentielle des nanoparticules fabriquées aujourd’hui en quantités industrielles, la philosophe rappelle que les normes définies dans le cadre du projet REACH ne sont pas suffisantes. Pourtant REACH est actuellement débattu au Parlement européen et devrait être voté en seconde lecture, tel quel ou encore un peu plus déforcé, dans les mois qui viennent...
Mais les nanos posent bien d’autres défis à nos sociétés. Elles vont inéluctablement renforcer tous les dispositifs de surveillance, qui deviendront de plus en plus invisibles (miniaturisation) et invasifs (implants), estime la philosophe. Les applications militaires sont également multiples et il n’existe sur la question aucune transparence – du moins pas en France. Il faut attendre, explique-t-elle, que Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, se déplace à Grenoble visiter les labos du pôle MINATEC pour que l’on comprenne à demi-mot que des black programs y sont développés. Evidemment, pas un mot sur le site web...
Mais c’est avec les scientifiques eux-mêmes que Bernadette Bensaude-Vincent est la plus sévère. Selon elle, les milieux de la recherche et du développement (R&D) ne se préoccupent pas d’éthique tout simplement parce qu’ils «ne comprennent pas ce que c’est». A la limite, dit-elle, les chercheurs qui sont un tout petit peu concernés par les questions d’éthique le sont parce qu’ils doivent remplir certains formulaires nécessaires pour obtenir des crédits de l’Union européenne. Problème: «cela se résume essentiellement à être conformes aux réglementations nationales et internationales, explique la philosophe. Leur seule préoccupation, c’est d’être en règle avec ces réglementations. Ils ne se préoccupent pas de savoir s’il faudrait éventuellement élaborer de nouvelles réglementations.» Or les nanotechnologies semblent bel et bien l’exiger.
Idéologiquement parlant, il est intéressant de comparer le traitement journalistique des nanotechnologies par Jacques Olivier avec celui d’une autre l’émission de vulgarisation scientifique de la RTBF, en télé cette fois.

UPDATE 29/4:
La seconde partie du podcast se trouve ici.

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