jeudi 21 juin 2012

Michel Preud’homme rattrapé par la justice belge


C’est le Michel Preud’homme directeur technique du Standard (2002-2006) qui est visé. Aujourd'hui, «MPH» entraîne le club saoudien Al Shabab Riyad, où il a signé un contrat de trois ans en 2011 pour 6 millions d'euros nets d'impôt. Photo: (cc) SammySix.

Nouveau rebondissement dans l’enquête sur les transferts suspects au Standard de Liège. Michel Preud’homme et le joueur croate Miljenko Mumlek sont poursuivis par le parquet de Liège pour faux, faux fiscaux et usage de faux. Avec l’aval de Preud’homme et Luciano D’Onofrio, Mumlek aurait touché deux primes occultes lors de son arrivée au Standard en 2003.

Faudra-t-il bientôt parler de «Standardgate»? Après les poursuites du parquet de Liège à l’encontre de Michel Verschueren et du Sporting d’Anderlecht pour faux et usage de faux, le volet «transferts suspects» du tentaculaire dossier 24/04 rebondit une nouvelle fois dans la cité ardente. Pour éclabousser une autre figure tutélaire du football belge: l’ancien Diable Rouge et enfant terrible de Sclessin, Michel Preud’homme.

Celui qui fut tour à tour joueur, directeur technique et entraîneur du Standard est lui aussi rattrapé par la justice liégeoise, alors qu’il n’avait pas été inculpé pendant l’instruction. Avec le joueur croate Miljenko Mumlek, Michel Preud’homme est poursuivi par le parquet pour faux, faux fiscaux et usage de faux. Des préventions passibles de cinq ans de prison et 10.000 euros d’amende dans le pire des scénarios.

Pour comprendre pourquoi le ministère public tacle les deux hommes, il faut remonter à l’été 2003. L’intermédiaire Djuro Sorgic, ancien joueur croate installé à Liège, attire son compatriote Micky Mumlek en bord de Meuse en vue d’un transfert chez les Rouches. Le 31 août, le Standard signe le transfert du milieu de terrain avec le club croate NK Varteks pour 230.000 euros.

A l’époque, Michel Preud’homme est le directeur technique du Standard. Il gère, entre autres, le scouting (repérage de recrues potentielles) et les transferts du Matricule 16. C’est donc lui qui rencontre les joueurs et leurs agents, lui qui négocie contrats et salaires pour le club.

Le parquet lui reproche, pour que le transfert de Mumlek aboutisse, d’avoir sciemment fermé les yeux sur un montage financier illégal visant à payer au joueur une «prime à la signature» en noir. D’après le dossier d’instruction, ce deal serait à l’origine d’un faux contrat de transfert avec le club croate. Par effet domino, ce faux contrat aurait généré de fausses factures, lesquelles auraient ensuite été introduites dans la comptabilité du Standard, faussant celle-ci de facto...

80.000 euros virés en Suisse

C’est grâce à des documents saisis lors d’une perquisition à Sclessin, en février 2005, que les enquêteurs de la brigade financière ont découvert la «face cachée» du transfert de Mumlek. Ils estiment avoir pu établir que seuls 150.000 des 230.000 euros payés par le Standard se sont retrouvés sur le compte bancaire du NK Varteks en Croatie.

Le solde, soit 80.000 euros, a été viré sur un compte bien plus discret, ouvert à la banque UBS à Zurich. Tellement discret que les limiers liégeois n’ont pu obtenir de la Suisse les documents bancaires relatifs à ce compte, documents pourtant demandés dans le cadre de l’entraide judiciaire internationale en matière pénale. Jalouse de son secret bancaire et de sa fiscalité douce, la confédération helvétique est, à certains égards, aussi un paradis judiciaire...

Une note datée du 4 septembre 2003 signée par le directeur des ressources humaines du Standard, retrouvée à Sclessin dans le bureau de Pierre François, alors directeur général du club, ne laisserait cependant planer aucun doute sur l’identité du bénéficiaire de ces 80.000 euros: Micky Mumlek.

Contacté par Le Soir, Michel Preud’homme ne souhaite faire aucun commentaire sur cette affaire. L’actuel coach d’Al Shabab Riyad (Arabie saoudite) avait été interrogé, tout comme Mumlek, par les enquêteurs de la brigade financière de Liège en février 2005, dans la foulée des perquisitions au Standard.

Mumlek le gourmand

Mais l’histoire du transfert du Croate ne s’arrête pas là. Lors des négociations qui ont lieu, rappelons-le, le 31 août – le dernier jour du mercato estival –, le joueur fait la fine bouche. Le Croate est gourmand, et n’est soudain plus sûr de vouloir signer au Standard... Comment satisfaire son insatiable appétit financier? En recourant à une société active dans la restauration pour lui payer une seconde prime occulte, pardi!

Le 1er septembre, «à la demande de Luciano D’Onofrio», racontera Pierre François aux enquêteurs, une convention est signée entre le Standard et Village de Nanesse, une société anonyme contrôlée par Sorgic active dans l’horeca. Selon ce contrat, que la justice liégeoise estime être un faux, le club versera 30.000 euros hors TVA à Village de Nanesse pour l’aide de Sorgic dans le «bon déroulement du transfert pour favoriser l’installation du joueur croate à Liège».

Pierre François reconnaîtra, lors d’un interrogatoire, que le motif est effectivement «léger». Il admettra en outre que cette convention n’aurait jamais eu lieu d’être puisque Djuro Sorgic n’était pas un agent de joueurs reconnu officiellement par la FIFA: il ne pouvait dès lors pas toucher la moindre commission lors d’un transfert...

Le 12 septembre, le Standard vire les 30.000 euros sur le compte de Village de Nanesse ouvert à la banque Monte Paschi. Coïncidence? Le même jour Mumlek ouvre un compte chez Fortis, à Liège. Le 19 septembre, 30.000 euros sont retirés en cash de la société de Sorgic, comme en atteste le livre de caisse. D’après les enquêteurs, l’argent aurait ensuite été remis à Mumlek par Sorgic, de la main à la main, puis aurait été versé cash par le joueur sur son compte Fortis. Les deux hommes nient cette version des faits.

7 mois de prison pour des matches truqués

En décembre 2011, Mumlek a été condamné par la justice croate à 7 mois de prison pour avoir truqué des matches de première division en Croatie durant la saison 2009-2010, alors qu’il évoluait sous les couleurs du NK Varteks, où il était retourné jouer en 2007.

Le joueur croate, Michel Preud’homme, Michel Verschueren et les autres personnes nouvellement poursuivies par le parquet de Liège, ou déjà inculpées dans le dossier 24/04, devraient recevoir dans les jours qui viennent leur convocation pour comparaître devant la chambre du conseil.

En juin 2011, Djuro Sorgic, Luciano D’Onofrio, et Pierre François avaient déjà été inculpés pour faux et usage de faux dans le cadre, notamment, du transfert de Micky Mumlek. La chambre du conseil pourrait décider, au plus tôt courant octobre, du renvoi ou non des prévenus devant le tribunal correctionnel.

David Leloup

Le Soir, 21 juin 2012 (web) (PDF)

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