mercredi 20 juin 2012

Anderlecht et Verschueren poursuivis dans l’affaire Mornar


Photo: (c) Thomas Blairon.

L’«affaire Mornar», révélée en décembre dernier par Le Soir, rebondit à Liège. Le Sporting d’Anderlecht, Michel Verschueren, Ivica Mornar et Jurica Selak sont poursuivis par le parquet pour «faux» et «usage de faux». Ils risquent jusqu’à cinq ans de prison, 10.000 euros d’amende et des arriérés d’impôts.

Le parquet de Liège a décidé de renvoyer l’ASBL Royal Sporting Club d’Anderlecht et son ex-manager général Michel Verschueren, mais également l’ancien joueur croate Ivica Mornar et l’agent de joueurs Jurica Selak, devant le tribunal correctionnel pour «faux» et «usage de faux», a appris Le Soir à bonne source.

Ces renvois interviennent dans le cadre du volet «transferts suspects» de l’enquête ouverte en 2004 par la justice liégeoise pour blanchiment d’argent dans le contexte, notamment, du sauvetage du Standard de Liège à la fin des années 1990, alors que le club était au bord de la faillite. Une enquête centrée au départ sur l’ex-homme fort du club principautaire, Luciano D’Onofrio, jusqu’à ce qu’une perquisition à Sclessin, en février 2005, ne mette à jour l’existence de commissions occultes versées lors de plusieurs transferts de joueurs, dont celui d’Ivica Mornar.

Le parquet, qui vient de passer huit mois à éplucher minutieusement le dossier d’instruction, a bouclé son réquisitoire début juin. Et sa lecture du transfert de Mornar se révèle plus sévère que celle du juge d’instruction. Ce dernier n’avait en effet inculpé pour «faux» et «usage de faux» que deux protagonistes liégeois intervenant dans la transaction: l’intermédiaire Djuro Sorgic et l’ancien directeur général du Standard, Alphonse Costantin.

Des preuves suffisamment solides

Dans son réquisitoire, le ministère public estime que les preuves accumulées par les enquêteurs sont suffisamment solides pour renvoyer d’autres acteurs devant le tribunal. «Techniquement, ils n’ont pas le titre d’“inculpés” car seul un juge d’instruction peut inculper une personne pendant la durée de l’instruction, précise Marie-Aude Beernaert, pénaliste à l’UCL. Mais ils sont assimilés à des personnes inculpées au niveau du traitement, et ont donc exactement les mêmes droits, comme celui d’avoir accès au dossier.»

Il y a six mois quasi jour pour jour, Le Soir révélait les dessous du transfert du Pirate – surnom de Mornar – lorsqu’il avait quitté, en juillet 2001, les bords de Meuse pour aller battre pavillon anderlechtois (Le Soir du 19 décembre 2011). Le Sporting d’Anderlecht est accusé par la justice liégeoise d’avoir versé une commission occulte à Mornar via une société écran au Luxembourg, Concordia Investments. Cela dans le but de réduire le salaire officiel du joueur, et donc les cotisations sociales et fiscales qui y sont liées.

Les enquêteurs de la brigade financière ont pu établir que l’argent a quitté les caisses du Parc Astrid via le paiement d’une fausse facture de 250.000 euros émise par Concordia. Cette dernière a ensuite redistribué les fonds au joueur (154.629 euros sur un compte en Autriche), à Djuro Sorgic (74.368 euros), à un intermédiaire de Beyne-Heusay voisin de Jurica Selak (10.040 euros), et au comptable luxembourgeois qui pilotait Concordia (7.437 euros). Tous nient avoir touché ces sommes.

Un procès probablement en 2013

A l’époque, Michel Verschueren avait négocié le transfert de Mornar directement avec Djuro Sorgic, l’agent officieux du joueur. «Quand Michel Verschueren a signé la convention avec Concordia, il devait se douter que l’argent retournerait dans les poches de Mornar», déclarait, en décembre dernier, Sorgic au Soir. Michel Verschueren n’avait pas souhaité s’exprimer sur cette affaire. Les personnes poursuivies risquent jusqu’à cinq ans de prison et 10.000 euros d’amende.

Sur le plan fiscal, les faits ne sont pas non plus prescrits. En vertu de l’article 358 du code des impôts, toute malversation fiscale découverte cinq ans avant le début de l’enquête – en 2004 en l’occurrence – peut faire l’objet d’une taxation. L’arriéré d’impôt à payer au fisc serait d’environ 155.000 euros pour Ivica Mornar et 55.500 euros pour Djuro Sorgic. Pour le Sporting, en vertu du régime spécial de taxation des commissions secrètes, l’arriéré atteindrait un demi-million d’euros.

Après l’été, la chambre du conseil devrait décider du renvoi définitif ou non des inculpés devant le tribunal correctionnel. A moins que des personnes citées ne demandent des devoirs d’enquête complémentaires et les obtiennent... ou interjettent appel en cas de refus. Ensuite, un appel de la décision de la chambre du conseil reste possible devant la chambre des mises en accusation. Difficile, dès lors, d’imaginer un procès avant 2013...

David Leloup

Le Soir, 20 juin 2012 (web) (PDF)

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