Coup de tonnerre dans le ciel aérien belge! Le 25 avril, lors de la réunion du Comité de concertation regroupant les différentes entités fédérées belges, la Région flamande a opposé son veto à un projet d’arrêté royal visant à interdire les vols d’avion intérieurs de moins de 150 km. Et ce dans une indifférence quasi générale.
Proposé par le ministre fédéral de la mobilité Renaat Landuyt (SP.A), ce projet d’arrêté royal s’attaquait à ces fameux «sauts de puce» qui avaient défrayé la chronique en octobre dernier. Deux scientifiques avaient alors révélé, dans une tribune publiée par La Libre Belgique, que la compagnie marocaine Jet4You envisageait des vols Charleroi-Liège avant de redécoller pour Casablanca... Des vols ultra-courts (84 km !) qui auraient dégagé 33 tonnes de CO2 dans l’atmosphère par semaine, soit l’équivalent de ce qu’émet en moyenne une voiture qui parcourt plus de cinq fois le tour du monde, ou du CO2 émis hebdomadairement par 60 ménages belges.
A l’heure de la médiatisation massive des «bonnes paroles» d’Al Gore, de Nicolas Hulot et du GIEC, le politique se devait de réagir. Ce que fit assez vite le ministre régional wallon des transports, André Antoine (CDH), en interdisant purement et simplement ces vols 24 heures avant qu’ils ne démarrent. Pour généraliser au niveau fédéral ce (trop rare) bon sens écologique, Renaat Landuyt emboîta rapidement le pas de son homologue régional en pondant le projet d’arrêté royal qui vient d’être jeté aux oubliettes par des élus flamands schizophrènes.
400 vols-taxis annuels pour businessmen
Dans une tribune parue ce jour dans La Libre Belgique, un des deux scientifiques qui avaient découvert le «pot-aux-roses marocain» dévoile cette fois les raisons du veto de la Région flamande. Celle-ci souhaite tout simplement que puissent continuer les quelque 400 «sauts de puce» annuels qui ont lieu depuis des années, en toute discrétion, dans le ciel aérien du nord du pays.
Ces vols, d’un point de vue environnemental, sont pires encore que les vols à moitié pleins de touristes carolos que Jet4You entendait effectuer entre Charleroi et Liège. Les «sauts de puce» jalousement défendus par les politiciens flamands sont en effet essentiellement des «vols-taxis» destinés à une toute petite minorité d’hommes d’affaires fortunés qui voyagent généralement... tout seuls. Environ 90% de ces vols décollent d’Anvers et 10% d’Ostende. Une toute petite niche économique à laquelle la Flandre ne veut pas toucher. Et dont le bilan «CO2 émis par personne transportée» est bien évidemment plus anti-écologique encore que l’aberration environnementale un temps envisagée par Jet4You.
Suite à ce veto flamand, le cabinet Antoine a dénoncé, dans un communiqué de presse du 25 avril, «le mutisme du Premier ministre Guy Verhofstadt qui a pourtant suggéré la création d’un ministère du Climat au niveau fédéral, ainsi que l’absentéisme du Vice-premier ministre et président du MR Didier Reynders, qui a fait de la planète bleue un de ses thèmes de campagne». L’Echo est le seul et unique quotidien à avoir mentionné cette détonnante nouvelle, via un entrefilet de 155 mots publié dans son édition du 26 avril. Le Vif/L’Express qui sort aujourd’hui publie également une brève de 133 mots sur le sujet.
Triste combat d’arrière-garde
Rappelons encore que Jet4You a introduit, fin mars, une action au tribunal de première instance de Namur pour tenter d’obtenir réparation des conséquences de l’interdiction promulguée par André Antoine fin octobre dernier. Une interdiction, précisons-le, qui n’est pas remise en cause par la décision du comité de concertation intervenue la semaine dernière, mais qui pourrait être cassée prochainement à Namur. Et ce alors même que la Commission européenne a émis le souhait, fin mars, de donner la possibilité à un Etat membre de restreindre les services aériens dont le coût environnemental est bien plus élevé que le bénéfice – notamment social – que ces services procurent.
La Commission a même cité explicitement le cas de la Région wallonne «qui souhaite légitimement interdire les sauts de puce (Charleroi-Liège)». Une proposition qui a par ailleurs reçu «un accueil globalement positif d’une majorité de délégations» et qui pourrait donc prochainement se généraliser dans les 27 Etats membres de l’Union... Si c’était le cas, le combat d’arrière-garde de la Flandre pour sauver quelques emplois d’un autre âge apparaîtrait cruellement pour ce qu’il est: une gifle irresponsable lancée à la face des générations futures.
5 commentaires:
PS: article repris sur le site NaturaVox.
vive la Belgique, terre de contradictions surréalistes!!!
Comment se fait-il qu'on ne s'étonne même plus ce genre de news ? :D
@Paul Foguenne:
incroyable en effet, personne ne bouge. Rien au JT vendredi soir, que dalle dans la presse aujourd'hui... C'est pourtant un vrai sujet de société au coeur de ce qu'on essaye de nous faire passer pour être au centre de la campagne électorale: la crise environnementale globale.
A bon, il y a une campagne électorale en Belgique ? :D
Il me semble qu'un changement de la taxation des véhicules en fonction de la consommation/pollution était annoncé, on attend toujours...
Ô Belgique... :D
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