lundi 10 novembre 2014

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La boîte aux lettres «luxo» de GSK qui valait 7 milliards

Avec l’aide de PricewaterhouseCoopers, le groupe GSK a utilisé un montage au Luxembourg, en 2010 et 2011, pour éviter de payer des impôts sur plus de 150 millions d’euros de bénéfice au Royaume-Uni. Une opération d’évasion fiscale supervisée par deux Belges, dont le directeur financier de GSK Biologicals. Et démantelée par le fisc de Sa Gracieuse Majesté.

On l’a vu, les profits générés par les ventes mondiales de vaccins contre la pandémie de grippe A/H1N1 ont transité par une «boîte noire» au Royaume-Uni, où interviennent au moins trois sociétés du groupe GSK. Si plus d’un milliard d’euros de royalties a bien été rétrocédé à GSK Biologicals en Belgique, où il n’a quasiment pas été taxé, une petite partie des profits générés par le Pandemrix est restée outre-Manche dans ces sociétés. Notamment dans Glaxo Group Ltd., qui a versé en 2010 d’importants dividendes à sa société-mère GSK Finance PLC.

Pour éviter qu’une partie des bénéfices de GSK Finance ne soient taxés à 28%, comme le code des impôts britannique le prévoit, GSK a utilisé un tour de passe-passe luxembourgeois imaginé par le géant de l’audit et du conseil PricewaterhouseCoopers (PwC). Ce dernier conseille à la fois GSK sur le plan fiscal, et certifie les comptes de ses filiales au Royaume-Uni comme au Luxembourg. Un conflit d’intérêts qui soulève bien des questions: on imagine en effet mal l’auditeur britannique PwC remettre en cause les montages du conseiller fiscal PwC au Luxembourg…

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Comment GSK profite du paradis fiscal belge

Les «superprofits» de la grippe A/H1N1 décryptés


Les ventes mondiales de vaccins Pandemrix contre la pandémie de grippe A/H1N1 en 2009-2010 ont généré 2,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour le groupe britannique GlaxoSmithKline. De ce jackpot, la filiale belge GSK Biologicals, basée à Rixensart, a récolté plus d’un milliard d’euros de bénéfices. Taxés à moins de 3%, comme le montre notre enquête. En cause, deux mesures controversées qui ont transformé la Belgique en véritable paradis fiscal pour multinationales: la déduction sur les revenus de brevets et les intérêts notionnels.

«Pourquoi vous intéressez-vous aux ventes de Pandemrix alors que nous vendons 1,1 milliard de doses de vaccins chaque année, et que nous allons investir deux milliards d’euros pour la recherche en Belgique?» Au téléphone, Pascal Lizin, porte-parole de GSK Biologicals, masque mal son irritation face à nos questions concernant le vaccin anti-grippe A/H1N1 commercialisé par la branche belge du groupe britannique GlaxoSmithKline. Invoquant le «secret commercial», il refusera de répondre à la quinzaine de questions que nous lui avons adressées la veille par courriel.

Pourtant, plusieurs de ces questions visaient une simple mise à jour de chiffres divulgués en février 2010 par Jean Stéphenne, alors patron de GSK Biologicals, dans les colonnes de Trends-Tendances. D’autres questions, il est vrai, étaient plus délicates: validées par un expert fiscal chevronné, elles sollicitaient des précisions sur plusieurs anomalies identifiées dans les comptes annuels de la firme de Rixensart (questions disponibles ici) .

Un vaccin sur deux livré par GSK

On n’en a pas véritablement pris la mesure en Belgique: il y a trois ans, GSK Biologicals a joué un rôle majeur sur la scène internationale pour répondre à la pandémie de grippe A/H1N1. L’entreprise installée dans le Brabant wallon a assuré «plus de 50% des commandes mondiales de vaccin dans 60 pays, et plus des deux tiers en Europe», selon Jean Stéphenne, à la barre de l’entreprise jusqu’en avril dernier.

Quels sont les profits réalisés par GSK sur ces ventes exceptionnelles? Où et comment ont-ils été taxés? Après plusieurs mois d’enquête, et après avoir épluché les comptes annuels du groupe, Le Vif/L’Express a retracé une partie des flux financiers liés aux revenus du Pandemrix. Les résultats, surprenants, font notamment apparaître la Belgique comme le principal paradis fiscal utilisé par le groupe britannique pour «défiscaliser», en 2010 et 2011, plus d’un milliard d’euros de profits résultant des ventes mondiales du vaccin.

Notre enquête révèle également que deux employés belges de GSK, dont le directeur financier et administrateur de GSK Biologicals, apparaissent dans un montage au Luxembourg, jugé abusif par le fisc britannique. Ce montage, utilisé par le groupe GSK pour défiscaliser une partie des profits de la pandémie restés au Royaume-Uni en 2010, a été démantelé par le fisc britannique l’an passé (lire «La boite aux lettres “luxo” de GSK qui valait 7 milliards»).

Des contrats signés dans l’urgence

En avril 2009, le virus de la grippe A/H1N1 découvert au Mexique affole l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En juin, l’agence onusienne déclare l’état de pandémie, malgré un très faible nombre de décès. Les gouvernements paniquent et, dans l’urgence, signent des contrats avec les laboratoires pharmaceutiques qui disposent d’un vaccin expérimental. En août, GSK Biologicals, la division vaccin du groupe GSK, annonce des commandes fermes de Pandemrix pour 291 millions de doses. Début octobre ce chiffre grimpe à 440 millions.

Mais, rapidement, la pandémie fait «pschitt». D’éminents médecins évoquent une «grippette». Le tsunami de décès annoncé s’évapore à vue d’œil. Puis, nouveau coup de théâtre: on apprend à l’automne qu’une seule dose de vaccin suffit pour immuniser un individu. Or tous les gouvernements ont commandé deux doses par personne, suivant les recommandations d’un groupe d’experts de l’OMS... Sous pression, GSK consentira – bien que rien ne l’y oblige contractuellement – à amputer les commandes de 32%.

Bilan de cette première «pandémie» du 21e siècle? D’abord qu’elle n’en était peut-être pas une: l’OMS a recensé 18.449 décès dus au virus, soit 14 à 28 fois moins que les 250 à 500.000 décès dus chaque année à la simple épidémie de grippe saisonnière... Ensuite, qu’un tiers des 15 experts qui ont directement conseillé l’OMS avant et pendant la pandémie avaient des liens d’intérêts avec les laboratoires pharmaceutiques, dont GSK. Des commissions d’enquête parlementaire diligentées par le Conseil de l’Europe et plusieurs pays, dont la France, fustigeront également ces conflits d’intérêts et le manque de transparence de l’OMS, même si un rapport ultérieur commandité par l’agence onusienne «blanchira» partiellement cette dernière.

Des ventes mondiales pour 2,3 milliards d’euros

Enfin, lors de cet événement qui a mis la planète en émoi, GSK Biologicals a vendu quelque 300 millions de doses de son vaccin Pandemrix (appelé Arepanrix hors Europe) sur les cinq continents. Des ventes extraordinaires qui ont généré un chiffre d’affaires de 976 millions d’euros fin 2009 et de 1,34 milliard en 2010, selon les derniers rapports annuels du groupe britannique. Soit un total de 2,3 milliards d’euros, déboursés par les contribuables des gouvernements acquéreurs.

Un chiffre vertigineux pour un fiasco qui ne l’est pas moins. Car en pratique, moins d’un vaccin pandémique sur quatre vendu par GSK a été administré dans le monde. La majorité des surplus se sont périmés dans des hangars puis ont été détruits, le reste ayant été revendu ou donné aux pays en développement...

Sanofi-Aventis, Novartis et Baxter ont aussi vu leur chiffre d’affaires dopé par la grippe, mais c’est GSK qui s’est de loin taillé la part du lion. Ces ventes record ont même permis au groupe britannique de ravir la place de numéro un mondial des vaccins à son rival Sanofi-Aventis en 2010.

70% du prix couvert par un brevet

Combien ces ventes ont-elles rapporté à GSK en termes de bénéfice net? Pour répondre à cette question, il faut rappeler que le Pandemrix est vendu sous la forme de deux fioles. La première contient l’antigène, c’est-à-dire des fragments du virus A/H1N1 mort qui nous immunisent contre le virus vivant. La seconde renferme un adjuvant, c’est-à-dire un cocktail de substances diverses (huile de foie de requin, vitamine E, etc.) qui stimulent la réaction immunitaire.

Baptisé AS03 pour «Adjuvanted System 03», ce composé laiteux sur lequel GSK a très peu communiqué a été développé à Wavre au début des années 1990. En mars 1999, GSK Biologicals obtiendra le brevet européen n°EP 0735898 protégeant l’AS03 jusqu’en 2014. En cas de pandémie, le grand défi consiste à produire très rapidement de l’antigène pour répondre à une demande très forte. L’AS03 permet principalement à GSK d’utiliser, dans une dose de vaccin, quatre à huit fois moins d’antigène H1N1 que ses concurrents. L’adjuvant AS03 permet donc à GSK, pour une même quantité d’antigène, de vendre quatre à huit fois plus de vaccins, et donc de servir quatre à huit fois plus de monde qu’avec un vaccin sans adjuvant.



Le contrat secret signé entre l’Etat belge et GSK en juillet 2009 pour la «fourniture de vaccins pandémiques contre la grippe» – un contrat-type pour tous les gouvernements d’Europe et d’Amérique du Nord – précise la valeur que l’entreprise attribue à l’AS03. Selon les termes de ce contrat révélé par Le Soir en mai 2010, chaque dose de Pandemrix a été facturée aux contribuables 8,5 euros hors TVA. Un prix qui se décompose comme suit: 1 euro pour l’antigène ; 6 euros pour l’adjuvant ; et 1,5 euros de «droit de mise à disposition», des frais de logistique. Autrement dit, le prix de l’adjuvant représente à lui seul plus de 70% du prix du vaccin!

Le royaume belge, paradis des royalties

Ce que les gouvernements ont payé, c’est avant tout de la propriété intellectuelle. La grande majorité des ventes de Pandemrix a donc été rétrocédée sous forme de royalties (sorte de droits d’auteur) à la filiale du groupe qui détient le brevet de l’adjuvant – en l’occurrence GSK Biologicals. Ce qui de prime abord pourrait sembler étrange.

En effet, la plupart des multinationales «délocalisent» leur propriété intellectuelle (brevets, marques, logos) dans des filiales enregistrées dans des paradis fiscaux, où les royalties sont peu voire pas du tout taxées. Mais ce serait méconnaître la Belgique, que la revue spécialisée Managing Intellectual Property place désormais sur le même pied que les îles Caïmans, le Luxembourg, les Pays-Bas et Singapour…

Beaucoup de gens ignorent en effet qu’avec la déduction de revenus de brevets en vigueur depuis l’exercice d’imposition 2008, la Belgique s’est muée en véritable «paradis fiscal pour les sociétés riches en propriété intellectuelle», dixit le cabinet international d’avocats Bird & Bird. En clair, 80% des royalties touchées sont exonérées d’impôt.



Combinée avec les très controversés «intérêts notionnels» et d’autres avantages fiscaux, cette mesure permet de réduire l’impôt des sociétés à peau de chagrin (lire encadré ci-dessous). «La déduction de revenus de brevets complète une série d’autres incitants fiscaux, dont la déduction pour investissement et le crédit d’impôt en recherche et développement, des réductions de charges salariales pour le personnel scientifique, l’exonération fiscale des aides régionales, et la déduction des intérêts notionnels», résume Pieter Van Den Broecke, avocat fiscaliste chez Linklaters.

Deux «cadeaux» pour tuer l’impôt

Dans des revues fiscales internationales, des juristes belges « vendent » la Belgique comme le paradis fiscal idéal pour les sociétés riches en brevets et en fonds propres. Pour payer peu voire carrément pas d’impôt, le but du jeu est d’exploiter simultanément deux niches fiscales dont les effets s’additionnent : la déduction sur les revenus de brevets et les intérêts notionnels. Explications.

Déduction sur les revenus de brevets. La loi-programme du 27 avril 2007 permet à une société qui détient un brevet de déduire de sa base imposable 80% des revenus bruts générés par ce brevet (royalties). Seuls les 20% restants sont donc taxés au taux normal de l’impôt des sociétés (33,99%), ce qui réduit donc le taux de taxation réel à 6,8%. Ainsi, une société qui gagne 100 millions d’euros de royalties ne sera en réalité imposée que sur 20 millions à 33,99%. Elle ne paiera donc que 6,8 millions d’impôts. Sauf que… elle peut encore « actionner » le mécanisme des intérêts notionnels pour réduire davantage – voire faire disparaître complètement – cet impôt résiduel.

Déduction d’intérêts notionnels. Une entreprise « pauvre », obligée d’emprunter à une banque si elle veut investir, peut déduire de sa base imposable les intérêts qu’elle rembourse à la banque sur son emprunt. Depuis la loi du 22 juin 2005, une entreprise « riche », qui elle investit directement sur fonds propres (sans emprunter, donc), peut déduire elle aussi des intérêts « notionnels », c’est-à-dire fictifs, de sa base imposable. Comme si elle s’était empruntée de l’argent à elle-même… Ces intérêts théoriques sont fixés, pour l’année 2011, à 3,485% des fonds propres de l’entreprise (son capital et ses bénéfices accumulés depuis sa création). Exemple : une société qui réalise 5 millions d’euros de bénéfices et dispose de 100 millions de fonds propres pourra déduire 3,485 millions (3,485% de 100 millions) d’intérêts notionnels de ses bénéfices. Elle ne sera donc taxée que sur 1,515 millions d’euros au lieu de 5 millions. D.Lp


Une tuyauterie complexe

En se plongeant dans les comptes annuels du groupe GSK, Le Vif/L’Express a reconstitué une partie de la «tuyauterie» comptable utilisée par le groupe pour minimiser ses impôts sur les revenus de la grippe A/H1N1 (voir infographie animée ci-dessous).



Pour résumer, on peut dire qu’entre GSK Biologicals (qui a orchestré la fabrication des vaccins) et les gouvernements (qui ont acheté tous ces vaccins), il y a une «boite noire» constituée d’au moins trois sociétés britanniques au travers desquelles l’argent a transité. Les règles comptables internationales utilisées pour élaborer les comptes annuels des sociétés concernées ne permettent pas d’identifier tous ces flux intra-groupe.

Ce qui est sûr, en revanche, c’est que GSK Biologicals a vendu des vaccins à une société britannique de la «boite noire» pour 401,6 millions d’euros, répartis sur 2009 et 2010. Et que le bénéfice réalisé sur ce montant (une fois les coûts de production déduits) a en grande partie échappé à l’impôt grâce au mécanisme des intérêts notionnels.

Ensuite, d’après le contrat belge révélé en 2010, tous les gouvernements en Europe et en Amérique du Nord ont payé leurs vaccins à GSK Export Ltd., la plateforme d’exportation mondiale du groupe établie au Royaume-Uni. Ce serait donc GSK Export qui aurait livré la marchandise aux gouvernements dans le monde entier, et récolté les 2,3 milliards d’euros de ventes mondiales de vaccins.

L’essentiel de ces fonds, une fois les coûts de logistique déduits, semblent alors être «remontés» dans la comptabilité de Glaxo Group Ltd., société britannique qui contrôle GSK Export à 100%. Finalement, Glaxo Group versera en 2009 et 2010 à GSK Biologicals, la société belge, des royalties pour un total estimé à 1,06 milliard d’euros (les rapports de gestion ne donnent pas les chiffres exacts mais il est possible de les déduire assez précisément). Le rapport de gestion 2009 de GSK Biologicals indique ainsi que Glaxo Group Ltd. lui a versé des royalties «extraordinairement élevées fin 2009 grâce aux ventes du vaccin Pandemrix», soit environ 400 millions d'euros. En 2010, on dépassera les 650 millions.

Des profits taxés à moins de 3%

A quel taux la marge réalisée sur ce milliard de royalties a-t-elle été taxée? Il est possible d’estimer le taux maximum théorique de taxation, mais pas le taux exact. En effet, ce taux dépend directement des coûts de développement du vaccin qui n’avaient pas encore été totalement amortis en 2009 et 2010. Mais les différents scénarios élaborés avec notre expert fiscal sont limpides: dans l’hypothèse où ces coûts étaient déjà intégralement amortis en 2009, le milliard d’euros de royalties a été taxé à seulement 3,44%, du fait de l’impact des intérêts notionnels sur le taux théorique de 6,8% (dû, pour rappel, à la non taxation de 80% des revenus de brevets).

Si, par contre, une partie de ces coûts devait encore être amortie, plus ces coûts sont importants, plus le taux d’imposition est faible! Exemple: si les coûts à déduire correspondent à 10% des royalties perçues, le taux d’imposition chute à 1,76%. Et si les coûts atteignent 20%, le taux passe à 0%...

Perte sèche pour l’Etat belge? Sur les seules ventes de Pandemrix, plus de 320 millions d'euros d’impôts ont échappé, en toute légalité, au fisc belge. Mais la déduction sur les revenus de brevets, combinée aux intérêts notionnels, n’a bien entendu pas servi qu’à défiscaliser les profits liés au Pandemrix. Grâce à ces deux avantages fiscaux, GSK Biologicals a déduit 2,6 milliards d’euros de sa base imposable entre 2008 et 2011 (voir tableau ci-dessous). En quatre ans, ces déductions ont permis à l’entreprise d’éviter de payer 891 millions d’euros d’impôts nets.



David Leloup


Enquête réalisée avec le soutien du Fonds pour le journalisme en Communauté française et publiée dans Le Vif/L'Express du 24 août 2012

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mardi 7 octobre 2014

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Elio Di Rupo, cet «activiste antitabac bien connu»...


Ex-fumeur ayant beaucoup clopé en rédigeant sa thèse de doctorat, le Premier ministre sortant Elio Di Rupo apparaît dans une dizaine de documents disponibles dans les archives en ligne de l’industrie du tabac.

En février 1994, en plein scandale Agusta-Dassault, alors qu’il vient de remplacer Guy Coëme au poste de vice-Premier, Elio Di Rupo a l’honneur d’être qualifié d’«activiste antitabac bien connu» dans une note interne de la British American Tobacco:



Avec le recul, l’appréciation compendieuse du fabricant des Lucky Strikes, qui se réfère vraisemblablement aux prises de position antitabac de Di Rupo lorsqu’il était député européen (1989-1991), était un brin prématurée. On se souviendra que fin 2009, celui qui était alors président du PS avait, via son blog, remis en cause le vote d’une loi en faveur d’une interdiction généralisée du tabac dans tout l’Horeca à partir du 1er janvier 2012. Une mesure pourtant recommandée par les... institutions européennes!

Intitulée «L’Horeca sans fumée: avançons progressivement…», sa note (quasi introuvable aujourd’hui sur la toile) faisait valoir des arguments économiques. «Pour pas mal de gens, fumer est une manière de déstresser», écrivait-il en se référant à la crise et au chômage. Mais Di Rupo relayait aussi les craintes de faillites (imaginaires) agitées par la Fédération des cafés de Belgique (Fedcaf), le lobby des cafetiers: «Dans le contexte actuel qui est si difficile, je ne peux rester insensible à leurs arguments», écrivait alors le président du PS. Electoralisme quand tu nous tiens...

Résultat de cette saillie bloguesque? Les discussions à la Chambre ont été reportées, et deux exceptions temporaires valables jusqu’au 1er janvier 2014, visant à protéger les petits cafés populaires et les casinos, ont été ajoutées au texte. Il aura fallu que la Ligue flamande contre le cancer saisisse la Cour constitutionnelle pour que celle-ci annule ces exceptions et fixe au 1er juillet 2011 l’interdiction totale de fumer dans les cafés.

Sans quoi il aurait fallu attendre 2014, donc.

David Leloup

dimanche 6 juillet 2014

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UBS Belgium : des clients parlent...

(c) Belga
Nous avons pu nous entretenir avec plusieurs clients d’UBS Belgium, la banque visée par une instruction judiciaire à Bruxelles. Le témoignage de ces fortunes supérieures à 500.000 euros permet de mieux cerner leurs profils sociologiques. Et la mécanique interne de la banque.

Quand la mèche est allumée, il faut courir. Vite. Le 30 mai dernier, pièces et témoignages à l’appui, M... Belgique détaillait en exclusivité l’ouverture d’une instruction judiciaire à Bruxelles à l’encontre de la banque UBS Belgium. L’antenne belge du géant bancaire suisse est en effet soupçonnée d’avoir démarché de grosses fortunes domiciliées en Belgique pour leur proposer l’ouverture de comptes offshore non déclarés. Il fallait donc s’attendre à des perquisitions.

Elles ont eu lieu le jeudi 19 juin. Vers dix heures du matin, plusieurs dizaines de policiers ont saisi des caisses de documents au siège de la banque, avenue de Tervueren à Bruxelles, ainsi qu’au domicile de son patron, le Suisse Marcel Bruehwiler. Un client représentatif des abus présumés commis par la banque a également été perquisitionné. On ignore toujours l’ampleur exacte de la fraude, mais le parquet de Bruxelles l’estime déjà à plusieurs milliards d’euros.

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vendredi 20 juin 2014

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UBS ou la stratégie des «grosses patates»

Raoul Weil, l’architecte de la stratégie mondiale d’UBS d’industrialisation de la fraude fiscale.
Chasser les «grosses patates», c’est-à-dire les petits millionnaires. Ils sont bien plus nombreux que les ultra-riches dont la fortune se compte en dizaines de millions. Et trois fois plus rentables pour UBS. Voici la stratégie mondiale de la banque à l’origine de ses déboires judiciaires. En Belgique et ailleurs.

C’est à cause de lui, en grande partie, que la justice bruxelloise enquête aujourd’hui sur UBS Belgium. Raoul Weil est l’architecte de la stratégie mondiale de la banque visant à «industrialiser» la fraude fiscale. Ex-numéro trois d’UBS, il était, jusqu’à son inculpation en 2008 par la justice américaine, le directeur de la division Global Wealth Management & Business Banking, et membre de la direction générale d’UBS.

A l’aube des années 2000, depuis Zurich, il aurait donné instruction d’accroître les activités du département «international», c’est-à-dire celui des comptes offshore non-déclarés, en sachant sciemment que cela violait la législation américaine et celle des autres pays. Selon son acte d’inculpation de novembre 2008, Raoul Weil aurait «conspiré» contre le fisc américain en aidant quelque 20.000 Américains fortunés à lui dissimuler environ 20 milliards de dollars…

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lundi 16 juin 2014

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La banque UBS Belgium sous enquête pour aide à la fraude fiscale


UBS Belgium, la filiale belge de la banque suisse UBS, est sous le coup d’une instruction judiciaire ouverte par le parquet de Bruxelles. Celui-ci soupçonne la banque de «blanchiment d’argent» dans le cadre d’une «organisation criminelle». Sur fond d’évasion fiscale de clients belges vers la Suisse. Enquête.

Chefs d’entreprise, sportifs, diamantaires, people…: des contribuables belges fortunés auraient été approchés, au cours de ces dix dernières années, par des chargés d’affaires suisses de la banque UBS afin de leur proposer l’ouverture d’un compte offshore non déclaré en Suisse. Avec la complicité d’UBS Belgium, la filiale belge du géant bancaire suisse, des montants importants auraient ainsi illégalement quitté le plat pays pour celui du gruyère.

La porte-parole du parquet de Bruxelles, Jennifer Vanderputten, a confirmé à M… Belgique qu’une instruction judiciaire a bien été ouverte à l’encontre d’UBS Belgium pour des faits de «blanchiment d’argent» dans le cadre d’une «organisation criminelle». L’enquête a été confiée au juge financier bruxellois Michel Claise, spécialisé dans la lutte contre la criminalité en col blanc.

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jeudi 12 juin 2014

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Ces cadeaux fiscaux qui minent l’Europe sociale


Grâce aux cadeaux fiscaux de l’Irlande, des Pays-Bas, du Luxembourg ou de la Belgique, les multinationales ne paient quasi pas d’impôts en Europe. Résultat, les Etats s’appauvrissent et les contribuables compensent. Dans un livre stimulant, le journaliste Eric Walravens plaide pour une harmonisation fiscale européenne. Interview.

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mardi 10 juin 2014

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Le cadeau fiscal de la Belgique à la Bank of New York et Euroclear


C’était à l’orée des grandes vacances 2013. Le gouvernement offrait discrètement un joli cadeau fiscal à deux géants de la finance. Un cadeau qui coûte 14,5 millions d’euros par an au contribuable belge. C’est Eric Walravens, journaliste chez Belga, qui le révèle dans son livre Dumping fiscal. Enquête sur un chantage qui ruine nos Etats (Les petits matins/Institut Veblen). La «contribution de stabilité financière» est une taxe votée fin 2011 visant à contrebalancer les excès du secteur bancaire ayant mené à la débâcle de 2008. Inacceptable pour Euroclear et la Bank of New York Mellon (BNYM), deux géants du post-trading présents à Bruxelles. Ils ont donc lobbyé le gouvernement belge pour obtenir une nouvelle méthode de calcul de cette taxe, bien moins sévère (à lire ici, à partir de la page 78). Pour «stimuler l’emploi», les cabinets de Steven Vanackere (Finances) et d’Elio Di Rupo (Premier Ministre) ont cédé. Et transposé ce nouveau calcul dans une loi fourre-tout kilométrique publiée au Moniteur le 28 juin 2013, sans aucun débat au Parlement. Quelques semaines plus tard, malgré cette victoire politique, la BNYM annonçait la suppression de 50 postes sur les 780 de son siège bruxellois. Des emplois délocalisés en Pologne et en Inde, notamment. Fameux bras d’honneur au gouvernement!
D.Lp

samedi 15 mars 2014

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Drôle de manège entre Embourg, Gibraltar et les îles Vierges

Les 200.000 euros de droits d’enregistrement du terrain de l’ancien manège d’Embourg ont été payés au notaire via une société écran de Gibraltar. (Photo: Google)
Inculpé en octobre 2013 pour corruption dans le cadre du marché public de l’incinérateur d’Herstal, Léon-François Deferm cherche à investir, via des prête-noms, 10 millions d’euros dans un projet immobilier sur les hauteurs de Liège. Une partie des fonds provient d’une société écran de Gibraltar. La cellule antiblanchiment (CTIF) aurait par ailleurs été alertée de mouvements suspects sur le compte du fils de l’homme d’affaires…

Inculpé il y a quelques mois par la justice liégeoise pour corruption active, faux et usage de faux, Léon-François Deferm, 70 ans, a reconnu devant les enquêteurs avoir touché un million d’euros de commissions occultes lors de l’attribution, à la société française Inova, du marché public relatif à la construction de l’incinérateur Uvelia de l’intercommunale Intradel à Herstal.

Pour rappel, grâce à des perquisitions et des commissions rogatoires internationales (notamment au Luxembourg), les enquêteurs de la police judiciaire de Liège détiennent les preuves que Léon-François Deferm a perçu, entre 2006 et 2008, un million d’euros d’Inova, via une cascade de fausses factures présumées navigant entre Paris, Spa, Vaduz et Luxembourg. Objectif: remercier l’homme d’affaires pour son «coup de pouce» ayant permis à Inova de remporter le lucratif marché liégeois de 170 millions d’euros.

Un million à Panama et Vaduz

Du million palpé par Deferm, 583.000 euros se sont retrouvés sur le compte luxembourgeois de Cartwright Corp. Inc. (une société écran panaméenne) et 352.000 euros sur celui de Robiro-Invest (une offshore établie au Liechtenstein), deux opaques véhicules financiers contrôlés par Deferm.

L’homme d’affaires tenterait-il à présent de réinvestir tout ou partie de ces commissions occultes dans un projet immobilier à Embourg? Ou en dépenses diverses en utilisant le compte bancaire de son fils pour brouiller les pistes? Ces questions n’ont rien de saugrenu en regard de l’opacité extrême entourant deux récentes opérations financières dont nous avons pu prendre connaissance.

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vendredi 28 février 2014

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L’étrange idylle entre Marc Descheemaecker et Ernst & Young

Belga
Pendant dix ans, l’ex-patron de la SNCB Marc Descheemaecker et le consultant Ernst & Young n’ont cessé de «flirter», mêlant affaires publiques et vie privée. En février 2013, en plein scandale du TGV low cost Fyra, Descheemaecker a commandé à Ernst & Young, aux frais du contribuable, un étrange rapport à 250.000 euros. Pour sauver sa peau?

Quelque chose a-t-il coincé entre Deloitte, numéro un de l’audit et du conseil en Belgique, et Marc Descheemaecker, l’ex-patron de la SNCB qui préside Brussels Airport depuis le 1er janvier? Depuis longtemps, Deloitte est un prestataire de services régulier pour Infrabel (gestionnaire du réseau ferroviaire) et la SNCB-Holding. Mais avec la SNCB (qui exploite le réseau), ça n’a jamais vraiment «roulé» pour le consultant sous l’ère Descheemaecker (2005-2013).

Serait-ce dû au caractère ombrageux de cet économiste étiqueté Open VLD, aujourd’hui courtisé par la N-VA? Toujours est-il que chez Deloitte, on s’étonne du nombre important de contrats décrochés par Ernst & Young à la SNCB depuis 2005. Et on espère que la fusion entre la SNCB et la SNCB-Holding, opérationnelle depuis le 1er janvier, va rebattre les cartes de la consultance.

Il est vrai que certains chiffres sont troublants. Entre 2006 et 2009, l’opérateur ferroviaire a dépensé plus de 17,3 millions d’euros pour s’offrir les conseils d’E&Y. Soit 31,3% de l’ensemble du budget «consultance» sur cette période. Près du tiers de l’enveloppe pour un seul des «Big Four», cela laisse de suite moins de place aux trois autres géants du secteur (Deloitte, PwC et KPMG) et à tous les autres bureaux de consultance actifs en Belgique (McKinsey, Accenture, TriFinance, Mott MacDonald, Concept Risk, etc.).

Comment expliquer qu’E&Y, médaille de bronze sur le marché belge, se taille ainsi la part du lion à la SNCB? A en croire nos confrères de Knack, il s’agirait d’un renvoi d’ascenseur qui ne dit pas son nom (1). En 2004, le très libéral Gantois Guy Serraes, ami de Descheemaecker et ancien conseiller de l’ex-ministre flamande Fientje Moerman (Open VLD), a exercé un intense lobbying auprès du très libéral Gantois Guy Verhofstadt (alors Premier ministre) pour faire nommer Marc Descheemaecker (alors directeur de la filiale marchandises B-Cargo) à la tête de la SNCB. Mais voilà: militant Open VLD de la première heure, Serraes est aussi et surtout directeur de la branche Secteur public chez E&Y depuis 2001…

Coïncidence? Peu après l’arrivée, en 2005, de Marc Descheemaecker aux commandes de la SNCB, le recours à des consultants externes explose. Les dépenses passent grosso modo du simple au double chaque année à partir de 2006, jusqu’à atteindre un pic de 45,7 millions d’euros en 2010. En 2005, E&Y n’a que 0,7% du gâteau. En 2006, sa part bondit à 37,6%, puis se stabilise autour de 30% entre 2007 et 2009.

Fiston embauché par E&Y

Cette «idylle» entre Marc Descheemaecker et le géant de la consultance semble avoir pris un tour plus personnel à l’été 2009. Ses deux masters en poche – un en relations internationales, l’autre en économie et gestion –, le jeune Thomas Descheemaecker, le fils de Marc, postule chez Deloitte où il rêve de décrocher son premier job. La procédure de recrutement se fait en plusieurs étapes. Au cours du processus, le jeune homme n’est pas retenu. «Il n’avait pas le niveau requis», nous souffle-t-on chez Deloitte.

Quelques semaines plus tard, Thomas est pourtant embauché par E&Y. «Le concurrent direct de Deloitte, qui travaille dans le même secteur et sur le même marché, aurait-il des critères d’embauche plus laxistes que Deloitte? Ou Ernst & Young cherchait-il à consolider sa relation d’affaires avec la SNCB en embauchant le fils du patron?», s’interroge un ancien ponte de la SNCB, perplexe.

Curieusement, entre octobre 2009 (moment où son fils est embauché par E&Y) et le 13 novembre 2013 (quand il quitte son poste d’administrateur délégué de la SNCB), Marc Descheemaecker n’a jamais dévoilé au conseil d’administration de l’opérateur ferroviaire que son fils travaillait pour E&Y. «Légalement, il n’y était pas tenu, explique un juriste, mais moralement il aurait pu le faire pour éviter les suspicions de conflit d’intérêts.»

En effet, avec ses pouvoirs d’administrateur délégué, Marc Descheemaecker pouvait décider, seul, d’attribuer à E&Y des marchés de services (en procédure négociée) d’un montant pouvant atteindre 1,25 million d’euros. A la SNCB, les marchés entre 1,25 et 2,5 millions sont du ressort du comité de direction. Quant aux tout gros contrats, supérieurs à 2,5 millions, l’aval du conseil d’administration est requis.

Mais le conflit d’intérêts non déclaré est heureusement resté théorique. En janvier 2010, le conseil d’administration de la SNCB s’inquiète de l’explosion des frais de consultance. Et recadre Descheemaecker, juste avant que la Cour des comptes n’aille fourrer son nez dans ce guêpier. En 2011, ces frais chutent de… 57% par rapport au sommet historique de 2010. Et ils ne font que baisser depuis: 19,8 millions d’euros (2011), 16,2 millions (2012), 12,2 millions (2013). La part de gâteau d’E&Y, elle, a repris des proportions plus en phase avec la place réelle du consultant sur le marché: 8,4 millions d’euros sur la période 2010-2013, soit 9% du total. Contre, pour rappel, 31% en 2006-2009.

Le scandale du Fyra

Une question subsiste: les études commandées par Marc Descheemaecker l’ont-elles toutes été dans l’intérêt de la SNCB? Le 22 février 2013, le patron de l’entreprise ferroviaire décide seul, sans prévenir son comité de direction, de passer commande à E&Y d’un rapport sur les causes du flop monumental du Fyra, ce TGV low cost qui devait relier Bruxelles à Amsterdam et dont les avaries répétées, dès sa mise en service en décembre 2012, ont très vite sonné le glas.

Selon un document interne à la SNCB, cette étude d’E&Y en deux volets a coûté un quart de million d’euros au contribuable belge. Le premier volet, intitulé «Fyra strategic review», a été facturé 150.000 euros à l’opérateur ferroviaire le 31 mai 2013. Baptisé «Fyra detailed business case» et livré dans les semaines qui suivirent, le second volet a lui coûté 100.000 euros. Etant donné que le PV du conseil d’administration de la SNCB du 6 septembre 2013 évalue à 668.869 euros les frais de consultance non juridiques dépensés rien que pour le dossier Fyra, le rapport commandé par Descheemaecker représente à lui seul 37% des frais engagés. Pourtant, bizarrement, les noms de quatre consultants sont mentionnés dans le PV, mais pas le principal d’entre eux: E&Y…

Après le prix, le fond. Curieusement, Marc Descheemaecker a demandé à E&Y de ne se focaliser que sur la procédure d’achat des trains, qui s’est déroulée entre 2000 et 2004. «C’est très bizarre, s’étonne Stefaan Van Hecke, député fédéral Groen. Il voulait apparemment démontrer que des fautes auraient été commises durant cette période. Pourquoi avoir écarté les années 2005-2013 durant lesquelles il était aux commandes?»

D’autant que la gestion du dossier sous l’ère Descheemaecker interpelle. Comment expliquer le fiasco du Fyra alors qu’un budget de 1,8 million d’euros avait été débloqué par le conseil d’administration en avril 2004 pour assurer un suivi «de qualité» du dossier par le département Achats et la direction Matériel de la SNCB, jusqu’à la livraison des trains prévue en 2007? «Pourquoi personne à la SNCB n’a-t-il tiré le signal d’alarme? Et pourquoi n’a-t-on pas mis fin au contrat en 2007 lorsque le fabricant italien AnsaldoBreda s’est révélé incapable de livrer les trains dans les temps?», s’interroge le député CD&V Jef Van den Bergh.

Zones d’ombre

Ce dernier déplore aussi l’existence de zones d’ombres dans la procédure d’homologation du Fyra par le Service de sécurité et d’interopérabilité des chemins de fer (SSICF). Et se demande pourquoi il a fallu attendre que les trains «tombent littéralement en morceaux» pour qu’on leur retire leur licence. «Ces éléments n’ont pas été pris en compte dans l’étude d’E&Y parce que Marc Descheemaecker lui-même était à la barre», conclut Jef Van den Bergh.

«Avec le recul, la chronologie des faits laisse penser que Marc Descheemaecker a commandé cette étude pour sauver sa peau, analyse Stefaan Van Hecke. Et si elle a bien coûté 250.000 euros, c’est incroyable.» Mais la suite de l’histoire recèle d’autres surprises...

Une fois l’étude livrée par E&Y, le 24 mai 2013, Marc Descheemaecker la communique à son conseil d’administration puis… à la justice. Le 3 juin 2013, il transmet l’intégralité du rapport d’E&Y au procureur du Roi du parquet de Bruxelles. «L’article 29 du Code d’instruction criminelle oblige en effet tout administrateur délégué d’une société anonyme de droit public de signaler immédiatement la présence de possibles irrégularités, quelles qu’en soient les raisons», se justifiait Descheemaecker le lendemain devant les députés en Commission de l’infrastructure, des communications et des entreprises publiques.

«Qu’il remette ce rapport au Parquet la veille de son audition au Parlement m’a beaucoup surpris, explique Stefaan Van Hecke. Dès ce moment-là, on n’a plus pu discuter du contenu du rapport puisque la justice en était saisie. Il a donné l’impression d’avoir trouvé quelque chose de très important mais il était impossible d’en débattre au prétexte qu’il fallait respecter le secret judiciaire. Le Parlement était neutralisé.» En «verrouillant» judiciairement le dossier Fyra, Marc Descheemaecker a ainsi pu achever son mandat sans embrouilles...

Puis, mi-janvier, on apprend que le parquet de Bruxelles a classé la procédure sans suite. Aucune irrégularité susceptible de poursuites judiciaires n’a visiblement été mise à jour par le coûteux rapport d’E&Y. La justice bruxelloise, qui croule pourtant sous l’arriéré judiciaire, a gaspillé son précieux temps… «Le dossier Fyra n’est pas un petit dossier. Si le parquet a décidé si vite de classer sans suite, je suppose que c’est parce qu’il n’y avait pas grand-chose dans le rapport d’E&Y», commente Stefaan Van Hecke. Qui va demander au gouvernement de rendre enfin ce document public. «Je suis très curieux de voir ce que les consultants ont réalisé pour 250.000 euros...»

De son côté, Marc Descheemaecker a quitté la SNCB par la petite porte, en novembre, doté d’un parachute doré de 1,3 million d’euros. Comme le prévoyait son contrat.

David Leloup

(1) «Rode kaart voor NMBS-topman Marc Descheemaecker?», Knack, 26 juin 2013.



Une love story de 10 ans

2004. Guy Serraes (Open VLD), directeur de la branche Secteur public chez Ernst & Young, «travaille» le Premier ministre Guy Verhofstadt pour faire nommer Marc Descheemaecker à la tête de la SNCB. Ça marche.

2005. Le 1er janvier, Marc Descheemaecker (Open VLD) devient le patron de la SNCB. Sous sa houlette, l’opérateur ferroviaire public se met à recourir à plusieurs consultants extérieurs pour se faire conseiller.

2006. Ernst & Young rafle 37,6% des dépenses totales de la SNCB en consultance, soit 1,14 million d’euros sur 3 millions. Enorme: en 2005, le consultant n’avait obtenu que 22.000 euros de contrats, soit… 0,7% des dépenses totales.

2006-2009. Les frais de la SNCB en consultance doublent chaque année pour culminer à 45,7 millions d’euros en 2010. En obtenant annuellement quelque 30% de ces marchés, Ernst & Young se taille la part du lion.

2009. Fin de l’été, le fils de Marc Descheemaecker postule chez Deloitte, n°1 belge de l’audit et de la consultance. Il n’est pas retenu. Peu après, Ernst & Young, principal consultant de la SNCB dirigée par son père, l’embauche.

2013. En février, Marc Descheemaecker décide, seul, de commander une étude à 250.000 euros à Ernst & Young pour analyser les conditions d’attribution du marché des trains Fyra, entre 2000 et 2004. Quand ses prédécesseurs étaient aux commandes...