lundi 18 mai 2009

Non-interview exclusive de Benoît Lutgen

Cela fait maintenant près d’un mois que j’essaye d’obtenir une réaction du cabinet du ministre wallon de l’Environnement (le social-chrétien Benoît Lutgen) à une réalité sociale et environnementale de premier plan pour la Wallonie.

Le pitch: le géant de la sidérurgie ArcelorMittal va fermer «temporairement» de nombreuses installations industrielles pour lesquelles la multinationale a reçu gratuitement, pour couvrir ses besoins, des millions de permis d’émission de CO2 de la Région wallonne et du gouvernement fédéral. Des permis que le sidérurgiste avait exigés en contrepartie de la réouverture, en février 2008, du haut-fourneau n°6 à Seraing – l’un des 12.000 sites industriels les plus polluants de l’Union européenne forcés de participer au système d’échange de quotas d’émissions mis en place par Bruxelles en 2005.

Un permis permet d’émettre une tonne de CO2. Si ces permis alloués gratuitement ne sont pas utilisés (diminution subite de la demande d’acier, délocalisation économique délibérée, etc.), ils peuvent être revendus au prix du marché. La valeur moyenne d’un permis est estimée à 29 euros au cours de la période 2009-2012, mais beaucoup plus au-delà (à commencer par 42 euros en 2013).

In fine, ces permis sont payés par les consommateurs d’électricité – vous, moi, les entreprises. En effet, ce sont les centrales électriques au charbon et au gaz qui sont les principales acheteuses de permis. Résultat, elles en répercutent directement le coût aux consommateurs. D’où ces questions à cinquante centimes: le numéro un mondial de la sidérurgie remboursera-t-il les 25% de permis du HF6 qu’il a reçus en 2008 mais n’a pas utilisés en janvier et février (avant la réouverture) et en décembre (après la refermeture)? Remboursera-t-il une partie des permis des installations qu’il s’apprête à fermer en 2009?

Ces questions apparaissent d’autant plus brûlantes que, dans les prochains jours, le sidérurgiste fermera – entre autres – le deuxième haut-fourneau liégeois (le HFB d’Ougrée) et sa chaîne d’agglomération, l’aciérie et le laminoir à chaud de Chertal, et que, par ailleurs, le site hennuyer de Châtelet est menacé à moyen terme.

Une dizaine de courriels et autant de coups de fils – pourtant très courtois – adressés à son cabinet, son attachée de presse et son administration n’y feront rien: le «Daniel Ducruet» de la politique wallonne, comme l’a surnommé le journal satyrique Pan, reste muet dans toutes les langues. Et ce malgré plusieurs promesses fermes de réponse de son attachée de presse Audrey Jacquiez. Apparemment, c’est lui qui décide quand il parle et de quoi il parle, même en campagne électorale (Benoît Lutgen est tête de liste aux régionales dans la circonscription d’Arlon-Marche-en-Famenne).

Que les syndicats belges FGTB et CSC aient manifesté en front commun le 11 mai à Namur, le 12 mai à Luxembourg devant le «château» d’ArcelorMittal et le 15 mai à Bruxelles, ne l’a guère incité à sortir du bois.

J’avais entre autres promis au ministre Lutgen et à son attachée de presse de publier l’intégralité de son interview sur ce blog. Fidèle à mes engagements, la voici:

Question 1: La quantité de quotas attribuée à chaque installation émettrice de CO2 a été déterminée pour la période quinquennale 2008-2012 dans l’Arrêté du Gouvernement wallon du 11 septembre 2008 dont vous êtes chargé de l’exécution:
http://environnement.wallonie.be/LEGIS/air/air023.htm
Comment sont distribués concrètement les quotas aux installations (en une fois? en cinq fois, annuellement?) et à quelle(s) date(s) exactement? [sachant qu’une fois alloués ils ne peuvent être repris]

Benoît Lutgen: ...

Q2: Est-ce que l’octroi des permis d’émission de CO2 à ces installations industrielles est conditionné au maintien de l’emploi/de l’activité? Si oui, selon quels critères exactement? Si non, pourquoi?

Benoît Lutgen: ...

Q3: ArcelorMittal a décidé de fermer temporairement, en mai 2009, des installations en Région wallonne:
- le deuxième haut-fourneau liégeois (HFB d’Ougrée) sera arrêté pour la fin mai au plus tard;
- arrêt de la chaîne d’agglomération d’Ougrée,
- arrêt de l’aciérie,
- arrêt du laminoir à chaud de Chertal,
- production de la cokerie réduite de 50%.
On parle à présent d’une fermeture possible du site de Châtelet.
ArcelorMittal va-t-il devoir "rembourser" une partie des quotas perçus en 2008 et 2009 pour ces installations? Si oui, selon quelles modalités? Si non, pourquoi et que comptez-vous faire?

Benoît Lutgen: ...

Q4: Que pensez-vous du fait qu’ArcelorMittal est, depuis 2005, le plus gros bénéficiaire du système européen d’échange de quotas d’émissions (ETS)? Selon les chiffres officiels de la Commission, ces quatre dernières années ArcelorMittal a accumulé un surplus de 78,6 millions de permis (...) [au sein de l’Union européenne; permis qu’il peut revendre au prix du marché]

Benoît Lutgen: ...

Q5: Selon Reuters, ces surplus proviennent essentiellement du lobbying agressif de la compagnie aux niveaux européen et national, l’arme principale de Lakshmi Mittal étant le spectre des délocalisations:
http://www.reuters.com/article/latestCrisis/idUSL9933905
Que peut encore le politique face à une telle situation?

Benoît Lutgen: ...

Q6: Le 27 mars dernier la Commission européenne s’est opposée à l’allocation de quotas au HF6 de Seraing (installation 116, permis WAI011P037):
"The Commission found that the corrections notified for installation No. 116 (Permit no. WAI011P037) are inadmissible because they are not in accordance with the methodologies set out in Belgium’s National Allocation Plan and the 2009 allocation can not be reduced for installations No. 182 (Permit no. WAI098P1 07) and No. 203 (Permit no. VL409) because the allowances were already transferred to the accounts of the installations."
http://ec.europa.eu/environment/climat/emission/pdf/nap2008/be.pdf
La Région wallonne a-t-elle une parade pour quand même attribuer des quotas? Si non, que comptez-vous faire pour en attribuer à ArcelorMittal une fois que la reprise sera là (si vous êtes reconduit dans vos fonctions)?

Benoît Lutgen: ...

6 commentaires:

Unknown a dit...

Bravo David. Courage, persévère !

Eric Luyckx a dit...

je suppose qu'il serait possible de déqualifier les quotas en questions et court-circuiter un usage illégitime (pour autant qu'il l'aie jamais été)

Eric Luyckx a dit...

ceci n'éxonérant pas du commentaire sous-jacent sur la qualité des négociations de nos édiles (Acier, F1, fret aérien, low-cost…)

Pierre Ozer a dit...

Dans une dizaine de jours, j'interrogerai mes premiers étudiants en Master et Master complémentaire...
Selon ma grille de cotation, l'étudiant BL mériterait 0/20.
Ou peut-être 1/20 pour les frais de déplacement (uniquement en bus ou en vélo)... ;-)
Good luck.

David Leloup a dit...

ArcelorMittal a mis le haut fourneau B (HFB) d'Ougrée "sous cocon" aujourd'hui... Pour l'année 2009 le HFB a reçu 618.204 permis d'émission. Nous sommes en mai. S'il n'est pas réouvert en 2009, ArcelorMittal remboursera-t-il les 360.000 permis (7/12) qu'il n'utilisera pas? Au prix actuel (15 euros la tonne) ça fait 540.000 euros. On peut continuer le calcul avec la chaine d'agglomération de Seraing (616.499 permis en 2009), l'aciérie de Chertal (256.817), la cokerie (110.328) dont l'activité passe à 50%, etc.
Allo, Benoît?

IEW a dit...

Outre son impact social, la « mise sous cocon » par ArcelorMittal du haut-fourneau n°6 de Seraing place véritablement la Région wallonne au pied du mur climatique. En effet, le ralentissement sidérurgique libère les quotas d’émissions de CO2 promis à ArcelorMittal… sans que nul ne sache l’usage que la Région envisage d’en faire. La Fédération Inter-Environnement s’interroge dès lors sur le devenir de ces quotas qui constituent une arme capitale dans la lutte contre la crise climatique. La fédération environnementale se pose d’autant plus de questions que la Commission européenne elle-même reprocherait à la Région de ne pas maîtriser ses émissions. (...)

A lire ici:
http://www.iewonline.be/spip.php?article3091