dimanche 17 mars 2013

D’Onofrio, la société écran, Benfica et les deux Bissau-Guinéens


Via la société écran Robi Plus, l’ancien vice-président du Standard de Liège aurait récemment misé 500.000 euros sur deux jeunes talents africains évoluant à Benfica. Une nouvelle forme de spéculation qui n’est pas sans risques.

Ils ont 19 ans et sont originaires d’un des pays les plus pauvres au monde: la Guinée-Bissau. Luciano Teixeira (milieu) et João Mário Fernandes (avant-centre) évoluent actuellement dans le noyau B de Benfica, club de première division portugaise. En décembre, leurs «droits économiques» ont été vendus par le club lusitanien pour 500.000 euros à Robi Plus Limited, une boite aux lettres londonienne administrée par Maurizio Delmenico, bras droit et conseiller financier de Luciano D’Onofrio (cliquer sur le document pour l’agrandir).

Publiés début mars, les comptes semestriels de Benfica, club coté à la bourse de Lisbonne, révèlent l’achat par Robi Plus, société écran déjà utilisée en 2011 par Luciano D’Onofrio, de deux jeunes joueurs Bissau-Guinéens.

Le propriétaire des droits économiques d’un joueur – un club dans 99% des cas – touche le montant du transfert lorsque ce joueur est revendu à un autre club. Il perçoit également les éventuels droits d’image (publicité) ou de merchandising (vente de maillots) liés à son poulain. Dès lors, pour se financer en temps de crise, les clubs du sud de l’Europe sont de plus en plus souvent tentés de revendre tout ou partie des droits économiques de certains de leurs joueurs. Un tiers des droits du Diable rouge Steven Defour, qui évolue au FC Porto, ont ainsi été vendus par le club en décembre 2011 pour 2,65 millions d’euros à Doyen Sports, un fonds spéculatif enregistré dans le paradis fiscal de Malte...

Ces investisseurs spéculent sur la valeur future de leurs poulains, espérant toucher une plus-value lorsque le joueur sera revendu à un autre club. La FIFA, qui fixe les règles du foot mondial, est perplexe. Doit-elle modifier les règles permettant aux clubs de vendre ces droits? Cette pratique est en tout cas bannie en Premier League anglaise et en Ligue 1 française. Mais elle est autorisée dans la plupart des championnats nationaux pour autant que les investisseurs n’influencent pas les transferts...

Deals opaques

Or le risque est réel, estime Gregor Reiter, président de l’Association allemande des agents de joueurs (DFVV), interrogé par l’agence Bloomberg. La plupart des deals sont opaques. Des investisseurs pourraient chercher à transférer leurs jeunes poulains contre leur gré. Et les footballeurs d’Afrique et d’Amérique du Sud sont particulièrement vulnérables à la pression, estime Reiter.

Au Portugal, on ne s’embarrasse pas de telles considérations. Là-bas, Luciano D’Onofrio à ses entrées dans tous les grands clubs. Et Robi Plus a déjà mis la main, en août 2011, sur 10% des droits économiques de Steven Defour et de l’international Espoir français Eliaquim Mangala. Deux joueurs transférés par... D’Onofrio himself du Standard au FC Porto. Les droits cédés à Robi Plus faisant office de commission.

En juin 2011, D’Onofrio et Delmenico ont été inculpés par le juge liégeois Philippe Richard pour faux, usage de faux et blanchiment d’argent, dans le cadre du sauvetage financier du Standard à la fin des années nonante. Ils risquent jusqu’à cinq ans de prison. D’où leur discrétion et leur recours systématique à des sociétés écrans dont les titres sont anonymes. L’an dernier, via un montage passant par Londres, Luxembourg et Chypre, D’Onofrio aurait acheté l’une des plus belles villas de Saint-Tropez avant de la revendre à son ami Bernard Tapie.

Contactés par Marianne, Luciano D’Onofrio et Maurizio Delmenico n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

David Leloup

Article publié dans le premier numéro de Marianne édition belge (9 mars 2013)

0 commentaires: