vendredi 23 novembre 2012

Comment GSK s’est taillé une loi fiscale à 405 millions d’euros



C’est l’histoire d’une loi votée en 2007. Une loi qui a permis à GSK Biologicals d’éviter de payer 405 millions d’euros d’impôts, ces quatre dernières années, sur les revenus générés par ses brevets. Une loi voulue par la firme pharma, qui a orchestré une campagne de lobbying pour l’obtenir: réunions discrètes avec le top du gouvernement hors syndicats, étude confidentielle mettant la Belgique en concurrence avec six autres pays, menaces de délocalisation... Rédigée par un grand cabinet d’avocats payé notamment par GSK, la loi a été votée à la Chambre sans aucun débat de fond, noyée dans une loi-programme de 42 pages. Enquête sur cette «loi GSK» qui profite essentiellement au géant des vaccins.

«C’est une plateforme qui fonctionne de manière tout à fait informelle. Il n’existe aucune base légale, aucune description officielle, aucun budget. Il s’agit d’un lieu de contact entre le gouvernement et le secteur pharma.» C’est ainsi qu’un cadre de Pharma.be, la fédération pharmaceutique belge, décrit la «Plateforme pharma R&D» née en novembre 2005 sous le gouvernement violet de Guy Verhofstadt. Un espace de rencontre si discret que Pharma.be ne possède quasi aucun document à son sujet.

Très vite, la plateforme devient un lieu stratégique de tout premier plan pour l’industrie pharmaceutique. Qui y bénéficie d’un accès privilégié aux très hautes sphères politiques et administratives: «Le Premier ministre, les vice-Premiers, les ministres des Affaires sociales, économiques, du Budget, de la Politique scientifique, mais aussi le top de l’INAMI et de l’Agence des médicaments», poursuit notre lobbyiste, qui préfère rester anonyme.

(...)

Un avocat du bureau Linklaters:
«C’est clair, on n’a pas été payés par le cabinet Reynders...»

«Linklaters était vraiment à la base de la loi. Nous avons agi pour certaines sociétés en facilitant le dialogue avec le cabinet Reynders. Il n’est pas anormal que certaines lois soient rédigées avec l’assistance de bureaux d’avocats. Le cabinet est toujours très content quand on vient avec des propositions très concrètes.
Nous avons été impliqués dans la rédaction de la loi, mais aussi d’autres textes comme la “foire aux questions” disponible sur le site du SPF Finances. Après que la loi soit entrée en vigueur, nous avons continué à amener des idées pour l’améliorer.
Nous avons été considérés comme un interlocuteur valable par le cabinet car nous représentions les intérêts du secteur pharma, pas ceux d’une ou deux sociétés. Mais c’est clair : on n’a pas été payés par le cabinet Reynders pour rédiger cette loi… D’autres bureaux d’avocats qui voulaient faire changer les choses ont aussi participé aux discussions, ainsi que l’AmCham, la chambre de commerce américaine.
Un des gros avantages de cette loi, c’est qu’elle s’applique en cumul des autres avantages fiscaux. C’est un atout énorme. Avec les intérêts notionnels et autres mesures, le taux réel de taxation oscille entre 6,8 et 0%. Je crois que cette loi a permis d’éviter que des sociétés présentes en Belgique ne se délocalisent. Par contre, elle ne va pas assez loin pour attirer de nouvelles firmes sur le sol belge.
Quand nous avons conçu la loi, nous n’étions pas sûrs de l’impact qu’elle aurait sur le budget. Si elle a trop de succès, le gouvernement devra rectifier le tir.»

Propos recueillis par D.Lp

Une enquête publiée dans Le Vif/L'Express du 23 novembre 2012, à lire intégralement en PDF.

2 commentaires:

Liévin a dit...

Ma foi (en une possible justice fiscale) voici une enquête bien intrigante. Le signe d'une nouvelle gouvernance en Belgique, selon les critères transparents du MR? Ou alors la lobbycratie ne serait-elle pas neuve en Belgique?...

Voilà un sujet qui rejoint ce qu'expose le collectif www.dites33.be en pointant la faible fiscalité des entreprises belges ou présentes en Belgique, surtout celles qui ont un ancrage transnationnal.

Quoi de plus compétitif que le travailleur Belge? Son ristourneur fiscal, sans doute.

Anonyme a dit...

Michel J. , médecin généraliste
C'est écoeurant car ce sont les "petits" et les gens honnêtes qui paient pour cette racaille.
Je finirai par voter communiste ou PTB.