mardi 7 août 2007

«Tu seras une sorte de Duhamel populiste»

Lu dans la dernière édition du Plan B, bimestriel français de critique (féroce) des médias, ce courriel de Laurent Joffrin envoyé il y a quelques mois à Pierre Marcelle. Le premier est directeur de publication et PDG de Libération depuis novembre 2006, le second y est journaliste et chroniqueur depuis 1988. Sa chronique, quotidienne jusque fin 2006, est devenue hebdomadaire début 2007.
Obtenu de «source syndicale», ce document sociologique en dit long sur les relations de pouvoir au sein de la rédaction depuis l’arrivée de Joffrin, sur le saupoudrage cynique des différentes tendances de la gauche plébiscitées par le quotidien et, plus généralement, sur la marge de manœuvre des journalistes sous l’ère Rothschild:

Date: 19 janvier 2007
Subject: Ce que nous évoquions samedi

Mon cher Pierre,

Comme je te l’ai dit, ta décision de rester au journal m’a surpris. Il n’est pas en mon pouvoir de l’empêcher, d’autant qu’un calcul réaliste m’incite à ménager cette partie du public. Mais ce maintien en poste – cette «reddition», comme tu dis – doit être assortie des conditions que nous avons définies.
1) Le contenu de ta chronique est soumis par nature à la relecture du chef de service quelle qu’elle soit... Elle a droit de correction plein et entier, qu’il s’agisse ou non de censure. J’arbitrerai en cas de besoin.
2) Elle ne peut occuper une place supérieure en visibilité et en aura que celle de Schneidermann ou de Duhamel. Tu seras une sorte de Duhamel populiste... Il en faut. Mais pas plus, comme nous en sommes convenus. En tout état de cause, c’est la responsable des pages «Rebonds» qui doit trancher sous mon autorité. Un cours nouveau s’instaure à Libération: le temps de l’autogestion est terminé.
Bien sûr, si ces conditions te paraissent insupportables ou draconiennes, le guichet est ouvert. Tel est mon avis, qui correspond à celui de la hiérarchie et de la partie raisonnable du journal...

Amicalement,

Laurent

Le «guichet» évoqué par Joffrin est le guichet de départ pour quitter le journal, dont Marcelle n’a pas souhaité profiter fin 2006...
Le 19 juin 2007, sa chronique «Smoking» était amputée de quelque 1650 signes. Ce passage rouspétait gentiment, mais légitimement, contre ce petit avis publié quelques jours plus tôt par Libération dans sa rubrique «Carnet», sans consultation préalable de la rédaction:
L’équipe de Libération s’associe à la tristesse d’Edouard de Rothschild et de sa famille à l’occasion du décès du baron Guy de Rothschild.

Guy de Rothschild avait 98 ans. Il était le père d’Edouard de Rothschild, l’actionnaire dit «de référence» de Libération, qui détient près de 39% du capital.

1 commentaire:

The Mole a dit...

Gosh! A te dégoûter de lire "Libé"... Je n'ai jamais trop senti Joffrin. Maintenant, je comprends mieux pourquoi!